Louise Labé |
Muses, filles de Jupiter, Il nous faut ores aquiter Vers ce docte et gentil Fumée , Qui contre le tems inhumain Tient vos meilleurs trets en sa main. Pour paranner sa renommée. Je lui dois, il me doit aussi : Et si j'ay ores du souci Pour faire mon payment plus dine , Je le voy ores devant moy En un aussi plaisant émoy Pour faire son Ode Latine '. Mais par ou commencerons nous ? Dites le. Muses : car sans vous Je ne fuis l'ignorante tourbe , Et sans vous je ne peu chanter Chose qui puisse contenter Le père de la lyre courbe . Quand celui qui jadis naquitl Dans la tour d'erein, que conquit Jupiter d'une caute ruse, Ut trenché le chef ' qui muoit En rocher celui qu'il voyoit, Le chef hideus de la Méduse : Adonques, par l'air s'en allant. Monté sur un cheval volant, Il portoit cette horrible teste: Et ja desja voisin des Cieus Il faisoit voir en mile Meus La grandeur de cette conqueste. Tandis du chef ainsi trenché Estant freschement arraché, Distiloit du sang goûte à goûte : Qui soudein qu'en terre il estoit, Des fleurs vermeilles enfantoit. Qui changeoient la campagne toute, Non en serpent, non en ruisseau. Non en loup, et non en oiseau, En pucelle, Satire ou Cyne: Mais bien en pierre : faisant voir Par un admirable pouvoir La vertu de leur origine. Et c'est aussi pourquoy je crois, Que fendant l'air en mile endrois Sur mile estrangeres campagnes, A la fin en France il vola. Ou du chef hideus s'escoula Quelque sang entre ces montagnes : Mesmement auprès de ce pont Opposé viz à viz du mont. Du mont orguilleus de Forviere : En cet endroit ou je te vois Egaier meinte et meintefois Entre Tune et l'autre rivière ' Car deslors que fatalement J'en aprochay premièrement. Je vis des la première aproche Je ne say quelle belle fleur: Qui soudein mesclavant le cour Le fit changer en une roche. Je viz encor tout à Ientour Mile petis frères d'Amour, Qui menoient mile douces guerres, Et mile creintifs amoureus Qui tous comme moy langoureus A voient leurs cours changez en pierres. Depuis estant ainsi rocher. Je viz près de moy aprocher Une Méduse plus acorte Que celle dont s'arme Pallas". Qui changea jadis cet Atlas Qui le Ciel sur l'eschine porte. Car elle, ayant moins de beautez. De ces cheveux enserpentez Faisoit ces changements estranges : Mais cetteci, d'un seul regard De son oil doucement hagard Fait mile plus heureus eschanges. Celui qui voit son front si beau Voit un Ciel, ainçois ' un tableau De cristal, de glace, ou de verre : Et qui voit son sourcil bénin. Voit le petit arc hebenin Dont Amour ses traits nous desserre. Celui qui voit son teint vermeil, Voit les roses qu'à son réveil Phebus épanit et colore : Et qui voit ses cheveus encor, Voit dens Pactole le trésor Dequoy ses sablons il redore. Celui qui voit ses yeus jumeaus. Voit au Ciel deus heureus flambeaus Qui rendent la nuit plus cerene: Et celui qui peut quelquefois Escouter sa divine voix Entend celle d'une Sirène. Celui qui fleure en la baisant Son vent si dous et si plaisant. Fleure l'odeur de la Sabee: Et qui voit ses dens en riant Voit des terres de l'Orient Meinte perlette desrobee. Celui qui contemple son sein Large, poli, profond et plein. De l'Amour contemple la gloire. Et voit son teton rondelet, Voit deus petis gazons de lait. Ou bien deus boulettes d'ivoire. Celui qui voit sa belle main. Se peut asseurer tout soudein D'avoir vu celle de l'Aurore ' : Et qui voit ses piez si petis, S'asseure que ceux de Thetis Heureus il ha pu voir encore. Quant à ce que l'acoutrement Cache, ce semble, expressément Pour mirer sur ce beau chef d'euvre, Nul que l'Ami ne le voit point: Mais le grasselet embonpoint Du visage le nous descouvre. Et voilà comment je fuz pris Aus rets de l'enfant de Cypris, Esprouvant sa douce pointure : Et comme une Méduse fit, Par un dommageable proufit, Changer mon cour en pierre dure. Mais c'est au vray la rarité De sa grâce et de sa beauté. Qui ravit ainsi les personnes : Et qui leur ôte cautements La franchise et le sentiment. Ainsi que faisoient les Gorgonnes. Le Tems cette grand 'fauls tenant ' Se vét de couleur azurée, Pour nous montrer qu'en moissonnant Les choses de plus de durée Il se gouverne par les Cieus : Et porte ainsi la barbe grise Pour faire voir qu'Hommes et Dieus Ont de lui leur naissance prise. Il assemble meinte couleur Sur son azur, pource qu'il treine Le plaisir après la douleur Et le repos après la peine : Montrant qu'il nous faut endurer Le mal, pensant qu'il doit fin prendre. Comme l'Amant doit espérer Et merci de sa Dame atendre. II porte sur son vêtement. Un milier d'esles empennées, Pour montrer comme vitement Il s'en vole avec nos années : Et s'acompagne en tous ses faits De cette gente Damoiselle, Confessant que tous ses efets N'ont grâce ne vertu sans elle Elle s'apelle Ocasion, Qui chauve par derrière porte, Sous une docte allusion, Ses longs cheveus en cette sorte A fin d'enseigner à tous ceus Qui la rencontrent d'aventure De ne se montrer paresseus A la prendre à la chevelure. |
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Louise Labé (1524 - 1566) |
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Portrait de Louise Labé | |||||||||
Biographie / chronologiePierre Charly, apprenti cordier (peut-être d'origine italienne), né aux alentours de 1470, illettré au point de ne pas savoir signer, épouse Guillermette Decuchermois, sans doute âgée ; celle-ci est veuve depuis 1489 de Jacques Humbert, dit Labé (ou L'Abbé [forme la plus ancienne], l'Abé, Labbé, Labbyt), cordier installé rue de l'Arbre sec. Pierre reprend le surnom de Labé, qui est attaché au fond BibliographieLouise Labé (ou Labbé) est née à Lyon vers l'année 1524. Son père, Pierre Charly, était un cordelier de la ville. Elle tirera son surnom, la belle cordelière, de son père aussi bien que de son futur époux, Ennemont Perrin, qui exercera la même activité. |
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