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Marie de France

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Les fables d'animaux et le « Roman de Renart »


Poésie / Poémes d'Marie de France





On a signalé plus haut les rencontres entre les fabliaux et les contes d'animaux. Les uns et les autres ont en commun de prêter à rire ou à sourire et de dégager une moralité. Cependant, si le Moyen Age n'a pas ignoré les fables animalières, c'est surtout vers le Roman de Renart que convergent, à l'époque même des fabliaux, les contes d'animaux.



Les isopets



D'Esope, le Moyen Age n'a connu que le nom, d'où il a tiré celui qu'il donne au genre même de la fable : isopet. L'ouvre de Phèdre, encore connue au IXe siècle, s'est perdue ensuite jusqu'à la fin du xvr siècle. Mais les fables de son tardif émule Flavius Avianus devaient être traduites en français (AvionneT), tandis qu'apparaissent au Xe siècle des compilations et des adaptations nouvelles, dont certaines ont connu un grand succès et ont été traduites en langue vulgaire : Y Esope d'Adémar et l'Esope de ïVissem-bourg, tous deux en prose, dont le premier est copié de la main d'Adémar de Chabannes, et surtout le Romulus, qui se donne pour une traduction du grec faite par un certain Romulus à l'intention Le Roman de Renart possède lui aussi des antécédents latins. Alcuin, au temps de Charlcmagnc, était déjà l'auteur d'un poème intitulé Versus de Gallo (Poème du CoQ), tandis que le XIe siècle voit la composition d'un Gallus et Vulpes (Le Coq et le RenarD). Au X' ou XIe siècle, un religieux de Toul écrit l'Ecbasis cujusdam captivi per tro-pologiam (Moralité sur l'évasion d'un prisonnieR), épopée animale dans laquelle les animaux représentent les moines d'un couvent. Dans la seconde moitié du Xir siècle, le Bemellus de Nigel cherche à tirer une moralité des mésaventures d'un âne qui évolue dans le monde clérical et pourrait à cet égard évoquer l'âne Bernard du Roman de Renart (Bernard est d'ailleurs le nom de son maîtrE). Surtout, on voit figurer dans l'Ysengrimus, poème de six mille cinq cents vers longtemps attribué à un moine de Gand nommé Nivard et composé vers 1150, soit vingt-cinq ans environ avant la branche la plus ancienne du Roman de Renart, des épisodes qui reparaîtront dans celui-ci. Le goupil de Nivard s'appelle Reinar-dus, le loup Ysengrimus. La parenté est évidente. Autour de ces textes un long débat, un peu analogue à celui qui avait pour objet la chanson de geste, a opposé ceux qui, contre toute vraisemblance, n'admettaient pour le Roman de Renart d'autres sources que latines (Lucien Foulet, Robert BossuaT) et ceux qui, parfois maladroitement pour les premiers d'entre eux mais souvent à juste titre quant au fond, soulignaient la prolifération universelle des contes d'animaux et leur diffusion souvent orale (Txopold Sudre, Jean BatanY). Sans que l'on puisse le moins du monde parler de filiation, on ne peut nier la similitude qui existe entre bien des aventures de Renart et des contes d'animaux appartenant à la tradition indienne et arabe, quand ce n'est pas à des civilisations plus éloignées.



Le Roman de Renart n'est pas une composition suivie et homogène. Il est formé d'un certain nombre de parties indépendantes, ou branches, composées par des auteurs différents, unies pour les plus anciennes d'entre elles par un enchaînement narratif des plus lâches et à peu près indépendantes les unes des autres pour les plus récentes. La partie la plus ancienne est la branche traditionnellement désignée comme la branche II, composée vers 1175 par Pierre de Saint-Cloud. Elle conte les mésaventures de Renart avec Chantederc le coq, avec la mésange, avec Tibert le chat (le piègE), avec Tiercelin le corbeau (le corbeau et le renarD) ; puis la visite de Renart à Hersent la louve, le traitement qu'il inflige aux louveteaux, enfin le viol d'Hersent à Maupcrtuis. A cette branche, on a ajouté, à partir de la fin du XIIe siècle, toute une série de suites. D'une part la branche I, suite logique et chronologique de la branche II, mais placée en tête par tous les manuscrits (jugement de Noble le lion sur la plainte du loup Isengrin, puis siège de Maupertuis et Renart teinturieR). D'autre part, se greffant elles aussi directement sur la branche II, les branches Va (autre plainte d'Isengrin devant Noble, serment de Renart sur le corps de Roonel le chieN), Vb (Renart, Isengrin et le jambon, Renart et Frobert le grilloN) et XV (Renart, Tibert et l'andouillE). Enfin, les branches m (les anguilles, la pêche d'IsengriN), IV (Renart et Isengrin dans le puitS) et XIV (Renart et le loup Pri-mauT). D'autres branches ont été composées tout au long du XIIe' siècle : la branche VIII (le pèlerinage de Renart, Belin le mouton et l'archiprctrc Bernard l'ânE) ; la branche VII (Renart et Hubert le milaN) ; la branche LX (Renart et le vilain LiétarL), dont l'auteur, « un prêtre de la Croix-en-Brie », s'avoue écrivain débutant, ce que l'on croit sans peine ; la branche XII (les vêpres de TiberT), due au Normand Richard de Lison, certainement un ecclésiastique lui aussi ; la branche XI (Renart, usurpateur du trône de NoblE) ; la branche XVI (variation sur Renart et ChantederC) ; la branche XVII (les fausses morts de RenarT). Mais, dès 1190, le poète alsacien Heinrich der Glichezâre avait donné en allemand, avec son Reinhart Fuchs, un récit cohérent des aven-turcs de Renart dont s'inspirera le Reineke Fuchs de Goethe.

Beaucoup de ces récits présentent des épisodes analogues et des situations répétitives. Certains personnages sont comme dédoublés : ainsi Isengrin et son cousin Primaut. Le Roman de Renart, loin d'être une composition structurée, est un ensemble de récits sériels, toujours repris, qui se complètent moins qu'ils ne confirment par le ressassement les constantes de leur imaginaire.



Renart lui-même est un avatar d'un personnage bien connu du folklore universel, le trompeur, le décepteur, celui qui joue des tours et que les Anglo-Saxons appellent le trickster. Il réunit en lui, comme l'a bien montré Jean Batany1, des modèles de comportement très différents qui font de lui successivement - simultanément parfois - un héros négatif et positif : esprit démoniaque se plaisant à faire le mal et à semer la discorde ; marginal contestataire et agressif; obsédé des plaisirs de la bouche et de la chair ; simple d'esprit qui l'emporte à l'occasion sur les malins ; plaisantin amateur de farces innocentes ; héros fondateur ; redresseur de torts. Renart est ainsi un personnage déconcertant parce qu'il est multiple et parce qu'il suscite à la fois la sympathie et l'antipathie. Cette ambiguïté ne pourra pas être longtemps préservée. Bien vite la réprobation l'emportera et Renart deviendra purement et simplement le prototype du méchant. La ruse et la mauvaise foi de Renart dans ses démêlés avec le roi Noble n'ont sans doute pas peu contribué à le faire juger détestable à une époque où la fidélité féodale est une valeur essentielle. Lorsque Philippe de Novarc, dans le second quart du XIIIe siècle, compose sur le modèle du Roman de Renart des poèmes politiques qu'il insérera dans ses Mémoires, il assimile ses adversaires à Renart et à ses partisans et juge flatteur pour le seigneur de Beyrouth, son maître, de le désigner sous le nom d'Isengrin.

La verve du Roman de Renart s'exerce volontiers aux dépens des diverses catégories sociales, dont les comportements sont reflétés par ceux des animaux qui les incarnent : le roi Noble, les grands féodaux que sont Isengrin et ses amis, le clergé représente par l'âne Bernard et dans certaines circonstances par Tibert le chat et auquel appartiennent plusieurs des auteurs. Certaines branches jouent en outre de la représentation ambiguë, tantôt animale, tantôt humaine, des personnages. Renart rend à Hersent une visite galante, comme un amant courtois à sa dame. Mais il compisse les louveteaux, retombant dans l'animalité tandis que le château redevient tanière. Poursuivi par Isengrin et Hersent, il se réfugie chez lui, à Maupertuis. Mais ce château lui-même est un terrier de renard, dans l'entrée trop étroite - dans le « mal pertuis » - duquel la louve reste coincée, tandis que le goupil, ressortant par une autre issue, abuse de la situation... a tergo more ferarum. La démarche de Grimbert le blaireau est évoquée de façon réaliste s'agissant de l'animal, mais en même temps comique si l'on se représente un homme se dandinant comme un blaireau. Renart enfourche un cheval pour se rendre à la cour de Noble, mais ce cheval traîne et bronche parce que son maître n'est pas pressé d'arriver, et l'on s'aperçoit qu'il n'a pas d'autres pattes que celles du goupil. Le cortège funèbre de Dame Coppée, la poule, est décrit de façon toute humaine, mais la défunte mérite d'être pleurée car elle « pondait les oufs gros », et Chanteclerc, qui mène le deuil, va « battant des paumes », comme un homme qui se tord les poings, comme un coq qui bat des ailes. Ailleurs bêtes et hommes entretiennent des relations complexes. Les premières restent soumises à leurs mours et à leur condition. Mais ce sont des animaux sauvages et prédateurs, en même temps que des barons dans le royaume des bêtes, et ils sont confrontés à des hommes qui appartiennent toujours aux basses classes de la société (vilains ou humbles prêtres de campagnE) : de ce fait ils sont souvent vis-à-vis d'eux dans la position du noble, du seigneur, dont ils incarnent les exigences et la brutalité. Partout enfin joue l'ambiguïté du masque : a-t-on affaire à des animaux travestis en hommes ou à des hommes travestis en animaux ?



Malgré sa causticité, le Roman de Renart n'est pas en lui-même une ouvre de satire sociale ou politique, mais il a été utilisé dans ce sens. Le court poème de Rutebeuf intitulé Renart le Bestoumé, le Couronnement de Renart qui s'en inspire et, de façon beaucoup plus ample, Renart le Nouvel de Jacquemart Giélée (vers 1288) et Renart le Contrefait (entre 1320 et 1340) reprennent le personnage de Renart et le cadre de ses aventures pour introduire une satire politique dans le cas de Rutebeuf - comme le fait aussi Philippe de Novare -, une revue polémique des états et de l'état du monde pour les deux autres ouvres, avec dans la dernière un aspect encyclopédique. Alors que le Roman de Renart, avec une sorte de détachement amusé et cynique, maintenait la balance égale entre Renart et ses adversaires, en les peignant également condamnables et odieux, le poids de la condamnation, plus tard, retombe souvent tout entier, on l'a vu, sur le goupil. Il incarne le mal, dont le roux est la couleur, et ses ennemis le bien. Au XIV siècle, dans le Roman de Fauvel, Fauvel, animal mythique qui représente toute la bassesse et l'hypocrisie du monde et que les puissants se disputent l'honneur de torcher, se caractérise, comme son nom l'indique, par la couleur fauve de son pelage. Aussi bien, en dehors du Roman de Renart, c'est du côté de la moralisation que penchent toutes les autres histoires d'animaux, qu'il s'agisse des isopets ou du Livre des bêtes de Raymond Lulle, inspiré du recueil arabe de Calila et Dimna.



Tous les genres, caractérisés par l'exhibition dramatique, la satire, le rire, qui ont été présentés dans ce chapitre ont peut-être en commun de refléter l'esprit urbain du xnr siècle. A l'ordre hiérarchique du château et de la cour seigneuriale, à l'idéal courtois, ils substituent l'entrelacs des rues, le partage du pouvoir, sa contestation, la peinture désabusée des mours, l'exhibition des misères. Non, encore une fois, qu'ils aient eu leurs auteurs et leur public propres. Avec eux, c'est l'univers littéraire tout entier qui change. Les Arragcois, de Jean Bodel à Adam de la Halle, le Parisien Rutebeuf, le Lillois Jacquemart Giélée, le Troycn anonyme, auteur de Renart le Contrefait, portent partout l'esprit de la ville.

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Marie de France
(1160 - 1199)
 
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Biographie / chronologie

Marie de France est une poétesse médiévale célèbre pour ses lais - sortes de poèmes - rédigés en
ancien français1. Elle a vécu pendant la seconde moitié du XIIème siècle, en France puis en Angleterre,
où on la suppose abbesse d'un monastère, probablement2 celui de Reading.

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