Michel Leiris |
Des philosophes aux mains de joueurs des nécromants aux lèvres de buveurs des assassins aux regards plus légers que des plumes d'oiseau c'est cette foule voyageuse aux pieds éternellement pris dans des lacets de sable qui compose l'étrange nation dont le drapeau de sang lut teint de cette nuance maléfique un jour que les poissons par amour du désastre décidèrent de se vouer au feu et d'abandonner l'eau Fruits de misère gonflerez-vous vos prunelles éclatantes jusqu'à briser les sexes et les colonnes les carcasses défigurées les astres ravagés par Je désir des chairs d'alcool les profils liés à l'histoire des caresses les crânes de pierre les croupes figées? Chaque objet traîne avec soi le cône d'ombre qui est la rançon de sa lumière et sur le bord de cet entonnoir aux parois abruptes il vacille n'attendant qu'une lame et sa pointe meurtrière pour supprimer ce cône ou l'y précipiter Les chaînes qui nous lient ont des anneaux de toutes sortes mailles claires mailles obscures constamment alternées Au grand-mât des chairs vivantes pend une voile parfaitement blanche découpant sur la mer le couteau noir de son triangle reflété mais les corsaires qui parcourent l'océan à la poursuite d'un trésor conduits par leur figure de proue sont seuls capables de choisir entre l'ombre et la proie Lumière et sang Sang et ombre Sang et proie Lumière de proie Sang de l'ombre une enclume de sang qui n'est ni proie ni ombre se livre aux marteaux des forges de folie lointaines forges en travail dans les terres les plus profondes la profondeur solide de l'ombre où le sang de la terre est enseveli Un jour le bruit des siècles n'était plus qu'un faible tintement de cloches au creux des oreilles d'une femme endormie sur une plage que le mur immobile de la mer transformait en préau de prison Ses cheveux répandus sur le sol et confondus avec son ombre engendraient un faisceau de racines cône noir qui la fixait au sable dans l'attente d'une troupe de pirates qui viendraient la délivrer Les arbres échangeaient leurs étreintes végétales les cristaux s'accroissaient les étoiles bougeaient mais terre et ciel air et feu vous suerez sang et eau avant d'avoir atteint cette merveilleuse figure qui n'est pas seulement rivée au sable d'une plage par sa chevelure d'ombre mais se cache aussi dans les plis de tous les rideaux les sculptures rompues les pièges rouilles les ossements dispersés la bave des mousses et des ruisseaux à l'heure où les cadavres font grincer leurs armatures rongées par le contact caché de tant de langues parmi les craquements d'édifices les échos forestiers et les cris de chevaux dans les caves de l'amour aux moellons de démence |
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Michel Leiris (1901 - 1990) |
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Portrait de Michel Leiris | |||||||||
La vie et l\'Ouvre de michel leirisNé à Paris en 1901, Michel Leiris commence à écrire vers l'âge de vingt ans, bientôt soutenu par son aîné, le peintre André Masson, qui lui découvre tout un univers. Dès 1924, l'année où André Breton publie le Manifeste du surréalisme, il participe à ce mouvement, dont il se séparera en 1929, sans renoncer aux buts de total affranchissement psychologique et social que les surréalistes s'étaient as Biographie / bibliographie20 avril 1901 Naissance à Paris |
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