Michel Leiris |
Plusieurs hommes se sont mis à table ils ont mangé leur soupe d'outils dépecé l'hydre des instruments mais la table garde ses quatre pieds qui la rivent à la terre long fleuve dont les remous enchaînent les pas des femmes et des enfants C'est un repas très compliqué fastueux comme un repas de noces un mur torride que construisent d'étranges aliments calcinés par le soleil des yeux dont les lueurs jamais ensemble ne s'éteignent parce que dès qu'on ouvre une porte c'est la fenêtre qui se ferme tant est impossible à contenir le courant d'air mouvant Les hommes chantent et se bousculent ils rient et la vaisselle se ternit étoilée de taches de graisse dont les éclairs hilares déchirent le ciel de porcelaine lorsque la pluie souille les nuits Ils crient Ils suent Ils échangent des bourrades mais l'eau tremble à peine dans le creux des carafes et les animaux restent couchés aussi dociles que leur pâture d'ossements Pour dessert on apporte un grand gâteau de givre Quelle terrible froideur après les viscères fumants! Cela forme une haute tour dont le sommet subit le choc de tous les vents vantaux glacés qu'ouvre très loin de là une main aux doigts amers une main aux lignes festonnées mauvaise machine à coudre qui pique les langues de dentelle les massacre d'entailles comme le corps d'un criminel surpris C'est un immense monceau de glace un château-fort garni de piques et de déesses dont les bras traînent la poussière des regards et durement les enferment Les archers geignent de terreur et de froid leurs armes se courbent puis se redressent quand passent ces femmes aux têtes de voleurs et de mangeurs d'enfants Que tous les convives soient surpris cela fait naître le sourire aux bouches de ces jolies sorcières qui se moquent pas mal d'être tout bas maudites par ces hommes dont les dents gèlent et se contractent dans le bagne de leurs mâchoires ou de la Sibérie J'aime écouter tomber les flèches de ces rires enchantés sur la cible du ciel où les nuages se dérident En bas se gonfle l'orgue sanguinaire des voix de ceux que déçurent ces reines sans mélancolie au grand banquet des fringales carnassières des caresses de cristal et des plaisirs vivants |
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Michel Leiris (1901 - 1990) |
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Portrait de Michel Leiris | |||||||||
La vie et l\'Ouvre de michel leirisNé à Paris en 1901, Michel Leiris commence à écrire vers l'âge de vingt ans, bientôt soutenu par son aîné, le peintre André Masson, qui lui découvre tout un univers. Dès 1924, l'année où André Breton publie le Manifeste du surréalisme, il participe à ce mouvement, dont il se séparera en 1929, sans renoncer aux buts de total affranchissement psychologique et social que les surréalistes s'étaient as Biographie / bibliographie20 avril 1901 Naissance à Paris |
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