Michel Leiris |
Non loin des cours d'eau et des ruelles compliquées qui enlacent mes vertèbres tout près des laitances d'ombre que déposent obscurément les meubles quand ils forniquent avec les cloisons à l'extrémité nord d'une large esplanade qu'une fille aveugle ne pourrait contenir dans le gouffre d'aucun de ses yeux il y a la bouche d'une maison dans cette maison une bouche et dans cette bouche une langue beaucoup plus douce à habiter que ne sont même les plus douces et paisibles maisons Immeubles neufs murs ravalés à coups de truelle chargés de sang et de plâtras circulation d'eau chaude lumières éblouissantes d'une seule haleine vous tombez lorsque ces dents se changent en étincelles chaleureuses comme les soirées d'orage alors que les cartes à jouer quittent les mains des joueurs hâves et hagards et que tout dans le monde semble prêt à se réduire d'un coup en pièces d'un seul éclair se déchirer à belles dents Les femmes que j'aime ce n'est jamais celles que vous croyez qui ont des seins pointus des ongles de poignard et des yeux de phosphore celles dont les paroles sont onduleuses comme la route que suivent les torrents J'aime celles dont la bouche est pareille à une robe déchirée entr'ouvrant son accroc luisant sur la blancheur terrible d'une épaule près du collier qui brinqueballe ainsi que grelottent des dents des dents de carnassier aux babines aussi douces que du lait malgré les griffes qui s'accrochent dans le vent Qu'importe les événements des places publiques l'ivrognerie qui ne me sert aucunement à oublier mais seulement à hâter l'avènement de constructions plus mystérieuses et plus sensuelles où mon regard triompherait sans coup férir des becs de gaz et des maisons Celle que j'aime a le mérite d'être éternellement inconsciente et extérieure à mes secrets Elle se tient debout devant moi comme un mur de temps à autre se déplace comme un oiseau et j'aime ses mouvements lents et titubants de bête à fin de course son pas glissant sa silhouette blanche et inhumaine de vieux paquebot désemparé errant couvert de neige au point le plus glacial des océans polaires quand l'aurore boréale craque et s'émiette dans un halo bizarre et semblable à celui qui dans cette ville que je connais survole chaque nuit le fard des femmes les yeux mi-clos des gens qui passent le métal noir des réverbères et la pierre des tombeaux |
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Michel Leiris (1901 - 1990) |
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Portrait de Michel Leiris | |||||||||
La vie et l\'Ouvre de michel leirisNé à Paris en 1901, Michel Leiris commence à écrire vers l'âge de vingt ans, bientôt soutenu par son aîné, le peintre André Masson, qui lui découvre tout un univers. Dès 1924, l'année où André Breton publie le Manifeste du surréalisme, il participe à ce mouvement, dont il se séparera en 1929, sans renoncer aux buts de total affranchissement psychologique et social que les surréalistes s'étaient as Biographie / bibliographie20 avril 1901 Naissance à Paris |
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