Michel Leiris |
Fétiche de l'ombre le soleil vêtu de peaux de bêtes et de plumes de couleur stoppe craintivement au bord de ton obscurité respectant le tabou des nuits que seule traverse la jolie biche lunaire à la recherche de ses faons Longs tubes rigides guidant le souffle des gravitations à coups de sarbacanes dorées il lance ses tiges ses pointes empoisonnées à travers la forêt vierge de la terre dont les épines serrées laissent à peine transparaître la lueur d'escarboucle du gibier oil du joyau que les rayons voudraient déraciner La nuit m'entr'ouvre la mollesse de ses arcanes mais à ses pentacles grésillant de feux je préfère le pentagramme de ton corps Cinq sens Cinq tentacules La pieuvre gonfle ses bras de sang mais combien j'aime mieux le bijou lourd de tes entrailles que jamais lumière ne pénètre sinon l'ivoire constellé à la minute où la faune mystérieuse d'un pays ignoré vient boire à notre source Cinq tentacules Cinq lames d'acier Dans la rivière intarissable roulent des têtes coupées celles des hommes qu'un joug fatal a décimés dans une nuit de bataille où les menaces des sorciers se confondaient avec le râle des fleurs et le gémissement sourd des écorces criblées d'entailles Un continent fané s'émiettait dans la mer et ses burgs superposaient leur forme poudreuse à celle des récifs grinçant comme des ponts-levis Dans les verres tournoyait un Maelstrom amer des dents de fauve au cou des cannibales s'entrechoquaient mais dans la crique joyeuse l'algue de ta bouche me forçait à descendre vers la profondeur parce que la courbe de tes lèvres inscrite en rose sur la carène sombre d'une épave venait de reproduire la pente où j'aime à me sentir glisser Cinq lames d'acier Cinq fûts d'alcool Le soleil vide à pleins seaux ses barils défoncés la nuit s'endort sous l'arche d'un pont comme un ivrogne ou bien un vagabond sans feu ni domicile les vieux totems ont froid sous leurs pelages mal attachés par la superstition des hommes quant à moi je me sens lentement descendre descendre non comme un homme qui descend l'escalier mais comme un souverain dont l'étoile décline une pirogue emportée sur un courant rapide un vautour qui cesse de planer Cinq fûts d'alcool Cinq perles à glaner Descendre comme un astre ou comme un chevalier un puits dont la margelle de pierre domine le vieux hall où les armures se rouillent et prennent la teinte des verrous mouillés quand des pigments rougeâtres déploient sur les peaux leur éventail sinistre Luisante panthère du ciel je voudrais toujours descendre pareil au fer d'une bêche qui coupe dans la terre le sillon rectangulaire des tombes descendre dans cette nuit plus bas que les tropiques souterrains du haut du pôle de la tête toujours plus bas toujours plus haut pour découvrir l'amertume fulgurante et la magie d'un corps nouveau |
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Michel Leiris (1901 - 1990) |
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Portrait de Michel Leiris | |||||||||
La vie et l\'Ouvre de michel leirisNé à Paris en 1901, Michel Leiris commence à écrire vers l'âge de vingt ans, bientôt soutenu par son aîné, le peintre André Masson, qui lui découvre tout un univers. Dès 1924, l'année où André Breton publie le Manifeste du surréalisme, il participe à ce mouvement, dont il se séparera en 1929, sans renoncer aux buts de total affranchissement psychologique et social que les surréalistes s'étaient as Biographie / bibliographie20 avril 1901 Naissance à Paris |
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