Michel Leiris |
Les draps d'abord rejetés maintenant ramenés par dessus les montagnes cutanées et la forêt des têtes sont des manteaux de tragédiens à l'instant où se couche le soleil et où les tragédiens couvrent leur face opposant à la lumière pourprée le blanc laiteux des toges hautes voilures abstraites à l'ombre desquelles des souffles écrasés se cachent Campement fugace des amants sous la minceur des tissus protégeant le trafic des caresses qui s'opère scandé par des balbutiements la tiède concavité des draps enferme dans son alvéole ce miel à peine bruni par l'inquiétude mêlée à la joie temporaire la rosée douce des corps exsudée quand ils confrontent à leur nuit intérieure la transparence réciproque et le matin de leurs peaux Loin du vent des paroles ennemies du grésil des prisons et de la chaleur de plomb des suzerainetés policières bâtissons un château sans pont-levis ni donjon hormis les architectures ébauchées par nos mains vassales de la royale saison où notre conjonction se noue Ramages laineux en signes arabes sur le sol en caravanes fouettées de sable et morfondues par la rigidité des murs malgré l'élan des entrelacs inextricables à jamais refermés comme la courbure des lèvres soumises au poids de leur propre secret Tapis bénin à nos pieds nus quand ils renoncent à leur commun plan de clivage parmi les sédiments en pâte feuilletée de la literie et découvrent en foulant les festons des arabesques pareilles à celles qui dans la dépression de nos paumes tracent sa route compliquée de tours et de retours àl'égrènement futur des journées et des nuits midi nous voit debout sur ce tissu moelleux substituant à la blancheur dont alternativement nous nous drapions et nous nous dévêtions un fond propice au départ vers la docilité des gestes quotidiens qu'on accomplit en somnambules nonobstant l'absence de ces amples tuniques où s'enveloppe le sommeil comme si l'autorité des statues et des héros de théâtre s'obtenait au prix d'un autre ensevelissement celui de notre agilité diurne à sécheresse de tambour sous la voûte moite et étouffante que seule éclaire la poix des cris Viendront alors après les tragédiens dont les vagues craintivement se retirent l'ancêtre à redingote la belle-mère de vaudeville la cousine à frais mouchoir la boniche à beaux nichons et le tendre réseau de fils d'archal des larmes accessoires poussiéreux pour la lente pantomime dont longtemps nos bouches ricaneront avant la chute sans phrase dans la transmutation sénile et le vide incisif de la mort Octobre 1943 |
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Michel Leiris (1901 - 1990) |
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Portrait de Michel Leiris | |||||||||
La vie et l\'Ouvre de michel leirisNé à Paris en 1901, Michel Leiris commence à écrire vers l'âge de vingt ans, bientôt soutenu par son aîné, le peintre André Masson, qui lui découvre tout un univers. Dès 1924, l'année où André Breton publie le Manifeste du surréalisme, il participe à ce mouvement, dont il se séparera en 1929, sans renoncer aux buts de total affranchissement psychologique et social que les surréalistes s'étaient as Biographie / bibliographie20 avril 1901 Naissance à Paris |
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