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Michel Leiris



Savannah - Poéme


Poéme / Poémes d'Michel Leiris





A
Savannah les pendus ont des bagues

des anneaux d'or sans fin qui enlacent à leurs doigts

le cerne inéluctable des vengeances animales

quand les corps ne sont plus que des boutiques ouvertes

aux marchandages d'oiseaux



Les portefaix se lassent

et leurs bras abandonnent les fardeaux

ballots de jours ficelés dans de mauvaises toiles à

matelas
Les quais s'étirent

et ce sont de longues dalles de hantise pavés-fantômes dont chaque aspérité est le souvenir d'un os



L'équipage gémissait

La fatigue s'échappait des gosiers avec les malurés

sauvages
Des coups de rame cotonneux poussaient avec peine le

vaisseau vers la région des couches atmosphériques les plus pâles



celle dont les feuillets ont une transparence végétale

une structure de brouillard

aussi ténue que des squelettes de roseaux

Le navire avançait

mais le pilote laissait derrière traîner ses regards

lignes plus sombres que les vagues

ornières humides tracées par les roues cahotantes du

chariot de ses yeux dont la marche perpendiculaire se serait peut-être

essayée autrefois coup de poignard à trancher l'horizon l'horizon rond comme une bague

Mais aujourd'hui le capitaine n'est plus très jeune

les voiles vieillissent

la mer se fane

les morts maigrissent dans la cale sèche des prières

c'en est fini de tous les remous d'eau



Dans les îlots

pourrissent les huttes

qui abritaient ces filles ténébreuses

dont les cartilages obscurs étaient des flûtes

ne jouant jamais que des airs infernaux

Aux grandes vergues du monde

pendent des cadavres constellés d'yeux de bêtes maritimes

de bouches aux dents plus dures que des gemmes métalliques



bouches dorées par la saveur des châtiments dont la

fatalité égale celle des chutes où se fracassent les rivières et les

lacs grands murs liquides de douleur que tant de forbans s'épuisent à diviser de leur couteau

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Michel Leiris
(1901 - 1990)
 
  Michel Leiris - Portrait  
 
Portrait de Michel Leiris

La vie et l\'Ouvre de michel leiris

Né à Paris en 1901, Michel Leiris commence à écrire vers l'âge de vingt ans, bientôt soutenu par son aîné, le peintre André Masson, qui lui découvre tout un univers. Dès 1924, l'année où André Breton publie le Manifeste du surréalisme, il participe à ce mouvement, dont il se séparera en 1929, sans renoncer aux buts de total affranchissement psychologique et social que les surréalistes s'étaient as

Biographie / bibliographie

20 avril 1901 Naissance à Paris

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