Mohammed Dib |
La Grande-Ourse fait route à tue-tête Au cour d'un brouillard de sang opaque. Un monceau de cuivre sans mémoire, Une mine chanteuse d'oiseaux Qu'une pluie invincible environne. Gardent le baobab de l'enfance. Et la voix d'un minotaure las Depuis longtemps égare la plainte D'une ville plus vide, plus sourde. Silence si fort des jambes. Silence d'épines vertes Et des bras autour du cou. Ma femme contre la faim Qu'on ne peut déraciner, Les paupières fermées chante. Il neige encore. L'étoile Qui tue le jour sur son corps Est en cendres, tout en cendres Et crie près de moi, légère Bouche ni pâle ni rouge. Sirène de sang qui dort. La grande main du cour Ouverte dans un monde De bêtes et de feu Tremble toute noircie. La fenêtre d'enfance Retrouvée au soleil. Une prairie en flammes La poursuit parmi nous. Eau qui n'as plus de force. Désolée, tu ne tiens Qu'à un fil rouge sombre, Eau calme, eau inflexible. Une très pâle pluie Brûle tous les jardins, Paon qui dors est-il temps ? Une rosace immense Boit nos corps jusqu'aux os. Les loups chassent nos mains. Est-il temps, bouche ouverte ? L'eau noire cherche un cour Sans jamais s'essouffler Pour avoir entendu Les feuillages de sang D'une haute colline. Une étoile qui chante à l'orée Du monde et rutile comme un mort Vient fouiller la terre quand je dors. Jadis une femme toute pâle, Un blanc polypier sur la poitrine Était assise au seuil du pays. Son ennui ouvrait de grandes paumes ; Sur la prairie un enfant aveugle Pleurait, sommeil de mon propre corps. Lorsque je m'éveillai Une étoile attentive Infiniment pâlie Chantait sous une averse. Une pluie ruisselait Où l'on voyait du sang ; La ville se ferma Aux arbres et aux pierres. Il me fallait attendre Le printemps et l'étoile Qui déchirent la brume Et j'errais à l'écoute. |
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Mohammed Dib (1920 - 2003) |
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Portrait de Mohammed Dib | |||||||||
BiographieMohammed Dib a traversé toute l'histoire de la littérature algérienne de langue française, et il y occupe une place particulière et éminente. Il appartient d'abord au courant réaliste de la première génération d'auteurs maghrébins, qui veut témoigner contre la situation coloniale. Mais son ouvre évolue vite et donne une place plus large aux jeux de l'imaginaire, avant d'aboutir, dans les années 19 BibliographieLa Grande Maison, roman, Le Seuil, 1952 et Points Seuil. Prix Fénéon, 1953. L'Incendie, roman, Le Seuil, 1954 et Points Seuil. Au café, nouvelles, Gallimard, 1955; Sindbad, 1984. Le Métier à tisser , roman, Le Seuil, 1957 et Points Seuil. Un Été africain, roman, Le Seuil, 1959. Baba Fekrane, contes pour enfants, La Farandole, 1959. Ombre gardienne, p |
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