Paul Verlaine |
Grande amie, aujourd'hui l'épouse de mon cour, Toi qui fis mon délice en mes jours de langueur, Or, maintenant quelque force m'est revenue Et je puis défier la tentation nue. Rose et Noire en dehors de toi, bien entendu, A qui mon corps, vaillant et douloureux, est dû, Tout mon corps et toute mon âme et tout cet être Qui t'approche aujourd'hui, ton servant mais son maître, Et communie en toi par tels tours innocents. Désormais, Reine Légitime de mes sens, Que te voici car Dieu nous veut voir, car il aime A nous voir toujours, avec ou sans emblème, Unis, ce qui nous fait des anges à ses yeux; Tout, aussi bien, nous tient de liens précieux, Tout nous a mariés, ta maturité même. Epanouie exprés en une fleur suprême. Et ce même passé, souvent à déplorer. Luxures, trahisons, qu'il faudra réparer. Et surtout ce malheur qu'en sainte tu partages D'un courage charmant par quoi tu t'avantages, Ce malheur tout physique où je suis, tout moral De là d'où tu plaças ton vraiment auroral Et comme virginal mode de m'ëtre bonne, Ne le cédant en exactitude à personne Que dis-je ? toujours là, près du triste chevet Où l'on crut par moments que mon sort s'achevait. Oui, tout nous fiançait, tout fit les justes noces De notre avenir calme après les chocs atroces Où nous usions la chair et l'esprit, en enfants Vieillis que nous étions déjà, fous, triomphants D'un reste de jeunesse encor bien usurpée : Mais qui se sert du fer périra par l'épée ! Heureusement que sur moi seul le mot divin S'accomplit presque sous tes yeux. - Mais il est vain De parler. Agissons. Usons de patience D'abord. Il le faut bien. Puisque l'âpre science Et l'âpre maladie, en leurs mornes combats, Me piétinent, champ de bataille aux mille pas. Et puis, soyons joyeux, ou plutôt sois joyeuse, Toi dont la joie éperle une gamme soyeuse. Moi je suis résigné, presque content, content. Comblé, puisque tu vas m'en sourire d'autant. Ah ! nous serons heureux mieux qu'avant : la sagesse... Raisonnable est bien là pour nous faire largesse D'un bonheur jusqu'au bout au lieu de ce plaisir Où tu te méfiais et qui m'était désir Pur et simple, avec bien, pourtant, déjà la flèche Au cour d'une amour étonnée et pure et fraîche-Mais tout cela c'est du futur... Vite au présent. Nous ! Et puis, te voilà de tes yeux apaisant Ma fièvre, avec ma main sur ta main qui s'y laisse. Embrassons, de bras lents, - acomptes et promesse ! |
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Paul Verlaine (1844 - 1896) |
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Portrait de Paul Verlaine | |||||||||
OuvresAprès une enfance à Metz, il fait ses études à Paris et trouve un emploi à l'Hôtel de Ville. Il fréquente les salons et cafés littéraires de la capitale et fait la connaissance de nombreux poètes célèbres de son époque. Ces rencontres l'incitent à composer lui aussi des vers. Verlaine est d'un caractère timide, et cette faiblesse est aggravée par des deuils familiaux : il se tourne alors vers la b ChronologieBiographie |
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