Paul Verlaine |
Cette vallée est triste et grise : un froid brouillard Pèse sur elle ; L'horizon est ridé comme un front de vieillard ; Oiseau, gazelle, Prêtez-moi votre vol : éclair, emporte-moi ! Vite, bien vite. Vers ces plaines du ciel où le printemps est roi. Et nous invite A la fête éternelle, au concert éclatant Qui toujours vibre, Et dont l'écho lointain, de mon cour palpitant Trouble la fibre. Là, rayonnent, sous l'oil de Dieu qui les bénit. Des fleurs étranges. Là, sont des arbres où gazouillent comme un nid Des milliers d'anges ; Là, tous les sons rêvés, là, toutes les splendeurs Inabordables Forment, par un hymen miraculeux, des chours Inénarrables ! Là, des vaisseaux sans nombre, aux cordages de feu. Fendent les ondes D'un lac de diamant où se peint le ciel bleu Avec les mondes ; Là, dans les airs charmés, volètent des odeurs Enchanteresses, Enivrant à la fois les cerveaux et les cours De leurs caresses. Des vierges, à la chair phosphorescente, aux yeux Dont l'orbe austère Contient l'immensité sidérale des deux Et du mystère, Y baisent chastement, comme il sied aux péris, Le saint poète, Qui voit tourbillonner des légions d'esprits Dessus sa tête. L'âme, dans cet Éden, boit à flots l'idéal, Torrent splendide, Qui tombe des hauts lieux et roule son cristal Sans une ride. Ah ! pour me transporter dans ce septième ciel, Moi, pauvre hère. Moi, frêle fils d'Adam, cour tout matériel. Loin de la terre, Loin de ce monde impur où " le fait chaque jour Détruit le rêve*, Où l'or remplace tout, la beauté, l'art, l'amour. Où ne se lève Aucune gloire un peu pure que les siffleurs Ne la déflorent, Où les artistes pour désarmer les railleurs c Se déshonorent''. Loin de ce bagne où, hors le débauché qui dort. Tous sont infâmes, Loin de tout ce qui vit, loin ' des hommes, encor Plus loin des femmes. Aigle, au rêveur hardi, pour l'enlever du sol ', Ouvre ton aile ! Éclair, emporte-moi ! Prêtez-moi votre vol, Oiseau, gazelle ! |
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Paul Verlaine (1844 - 1896) |
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Portrait de Paul Verlaine | |||||||||
OuvresAprès une enfance à Metz, il fait ses études à Paris et trouve un emploi à l'Hôtel de Ville. Il fréquente les salons et cafés littéraires de la capitale et fait la connaissance de nombreux poètes célèbres de son époque. Ces rencontres l'incitent à composer lui aussi des vers. Verlaine est d'un caractère timide, et cette faiblesse est aggravée par des deuils familiaux : il se tourne alors vers la b ChronologieBiographie |
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