Paul Verlaine |
Vous n'avez pas eu toute patience, Cela se comprend par malheur, de reste. Vous êtes si jeune ! Et l'insouciance. C'est le lot amer de l'âge céleste ! Vous n'avez pas eu toute la douceur. Cela par malheur d'ailleurs se comprend ; Vous êtes si jeune, ô ma froide sour, Que votre cour doit être indifférent ! Aussi me voici plein * de pardons chastes. Non, certes ! joyeux, mais très calme c en somme Bien que je déplore en ces mois néfastes D'être, grâce à vous, le moins heureux homme. Et vous voyez bien que j'avais raison e Quand je vous disais, dans mes moments noirs, Que vos yeux, foyer de mes vieux espoirs. Ne couvaient plus rien que la trahison. Vous juriez alors que c'était mensonge Et votre regard qui mentait lui-même Flambait comme un feu mourant qu'on prolonge. Et de votre voix vous disiez : « Je t'aime ! » Hélas ! on se prend toujours au désir Qu'on a d'être heureux malgré la saison.. Mais ce fut un jour plein d'amer plaisir Quand je m'aperçus que j'avais raison ! Aussi bien pourquoi me mettrai-je * à geindre ? Vous ne m'aimez pas ', l'affaire est conclue. Et, ne voulant pas qu'on ose me plaindre. Je souffrirai d'une âme résolue. Oui ! je souffrirai, car je vous aimais ! Mais je souffrirai comme un bon soldat Blessé qui s'en va dormir à jamais Plein-' d'amour pour quelque pays ingrat. Vous qui fûtes ma Belle, ma Chérie. Encor que de vous vienne ma souffrance, N'êtes-vous donc pas toujours ma Patrie. Aussi jeune, aussi folle que la France ? Or, je ne veux pas - le puis-je d'abord ? - Plonger dans ceci mes regards mouillés. Pourtant mon amour que vous croyez mort A peut-être enfin les yeux dessillés. Mon amour qui n'est que ressouvenance *, Quoique sous vos coups il saigne et qu'il pleure Encore et qu'il doive, à ce que je pense. Souffrir longtemps jusqu'à ce qu'il en meure, Peut-être a raison de croire entrevoir En vous un remords qui n'est pas banal ' Et d'entendre dire, en son désespoir, A votre mémoire : « Ah ! fi ! que c'est mal ! » Je vous vois encor. J'entr'ouvris la porte. Vous étiez au lit comme fatiguée. Mais, ô corps léger que l'amour emporte, Vous bondîtes nue, éplorée et gaie. ô quels baisers, quels enlacements fous ! J'en riais moi-même à travers mes pleurs. Certes, ces instants seront, entre tous, Mes plus tristes, mais aussi mes meilleurs. Je ne veux revoir de votre sourire Et de vos bons yeux en cette occurrence Et de vous enfin, qu'il faudrait maudire. Et du piège exquis, rien que l'apparence. Je vous vois encore ! En robe d'été Blanche et jaune avec des fleurs de rideaux. Mais vous n'aviez plus l'humide gaîté Du plus délirant de tous nos tantôts. La petite épouse et la fille aînée Était reparue m avec la toilette Et c'était déjà notre destinée Qui me regardait sous votre voilette. Soyez pardonnée ! Et c'est pour cela Que je garde, hélas ! avec quelque orgueil. En mon souvenir, qui vous cajola. L'éclair de côté que coulait votre oil. Par instants je suis le pauvre navire J Qui court démâté parmi la tempête Et, ne voyant pas Notre-Dame luire. Pour l'engouffrement en priant s'apprête. Par instants je meurs la mort du pécheur Qui se sait damné s'il n'est confessé Et, perdant l'espoir de nul confesseur, Se tord dans l'Enfer, qu'il a devancé. Ô mais ! par instants, j'ai l'extase rouge Du premier chrétien sous la dent rapace, Qui rit à Jésus témoin, sans que bouge Un poil de sa chair, un nerf de sa face " ! |
Contact - Membres - Conditions d'utilisation
© WikiPoemes - Droits de reproduction et de diffusion réservés.
Paul Verlaine (1844 - 1896) |
|||||||||
|
|||||||||
Portrait de Paul Verlaine | |||||||||
OuvresAprès une enfance à Metz, il fait ses études à Paris et trouve un emploi à l'Hôtel de Ville. Il fréquente les salons et cafés littéraires de la capitale et fait la connaissance de nombreux poètes célèbres de son époque. Ces rencontres l'incitent à composer lui aussi des vers. Verlaine est d'un caractère timide, et cette faiblesse est aggravée par des deuils familiaux : il se tourne alors vers la b ChronologieBiographie |
|||||||||