Paul Verlaine |
I La jalousie est multiforme Dans sa monotone amertume : Elle est minime, elle est énorme. Elle est précoce, elle est posthume ! Méfiez-vous quand elle dort : C'est le tigre et non plus le chat. Elle mord bien quand elle mord. C'est le chien enragé ! Crachat, Insulte, adultère à sa face L'affolent, et le sang ruisselle... Ou la laissent calme à sa place. Froide et coite comme pucelle. Elle prémédite des tours Pendables sous un air charmant Et les exécute toujours Affreusement, terriblement... Nous ne sommes plus à des âges Pour nous piquer de ces folies : Ah ! bien mieux nous vaut être sages. Ayant eu nos fureurs... jolies ! Etre jaloux, rien d'aussi sot ! Et j'efface à l'instant les vers D'un peu plus haut, vague tressaut D'encor ce pire des travers. II D'ailleurs, la jalousie est bête. D'abord, elle ne sert de rien. Malgré tout son martel en tête. Puis elle n'est pas d'un chrétien. Jésus qui pardonnez des milliards de fois Par la bouche du prêtre et Votre grâce toujours prête. Même, entre tous, à ceux qu'a damnés sa menteuse voix ! C'est aussi le péché morose Portant en lui déjà l'Enfer Tant mérité sur toute chose, C'est Caïn et c'est Lucifer, L'un jaloux de son frère et l'autre de son Dieu Et tous deux malheureux sans fin, méditant sur la cause Et sur l'effet, auteurs de leur éternité de feu ! Ô rien ne vaut la confiance Entre deux cours pécheurs, mais vrais, L'un pour l'autre et qu'une nuance Divisait aux temps jeunes, mais Qui ne peuvent avoir un bonheur mutuel Et que la seule mort diviserait et que fiance A la joie éternelle un franc accord perpétuel. III Bah ! confiance ou jalousie " ! Mots oiseux et choses impies. « Je te soupçonne, tu m'épies. » « Tu me cramponnes, je te scie. » Ô toi, Catulle, et vous *, Lesbies ! « Tu m'as élu, je t'ai choisie. » Comme eux suivons la fantaisie. Et non pas trente-six lubies. Tu m'es clémente et je crois t'être. En revanche, soumis et tendre : Lors il est aisé de s'entendre. Plus d'« infidèle », plus de « traître », Plus non plus de serment qui tienne Ou non ; mais ta joie et la mienne ! IV Et pourquoi cet amour c dont plus d'un sot s'étonne. Qui ferait mieux de vivre avant de s'étonner. Serait-il à blâmer parce qu'il est d'automne. Un automne qui veut tout entier se donner, Tout entier, fruit et grain et le reste de vie Et la mort dans les bras et sous les yeux chéris, Et, depuis cette mort en extase ravie. Ou celle que Dieu m'enverra, pauvre ou sans prix, Revivre inaperçu dans d la paix de la veuve. Paix bénie à travers des longs et nombreux jours ? Ah ! jeunes, puissiez-vous après vos temps d'épreuve Concevoir dans vos cours de pareilles amours. |
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Paul Verlaine (1844 - 1896) |
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Portrait de Paul Verlaine | |||||||||
OuvresAprès une enfance à Metz, il fait ses études à Paris et trouve un emploi à l'Hôtel de Ville. Il fréquente les salons et cafés littéraires de la capitale et fait la connaissance de nombreux poètes célèbres de son époque. Ces rencontres l'incitent à composer lui aussi des vers. Verlaine est d'un caractère timide, et cette faiblesse est aggravée par des deuils familiaux : il se tourne alors vers la b ChronologieBiographie |
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