Paul Verlaine |
Nous fûmes dupes, vous et moi, De manigances mutuelles. Madame, à cause de l'émoi Dont l'Été férut nos cervelles. Le Printemps avait bien un peu Contribué, si ma mémoire Est bonne, à brouiller notre jeu, Mais que d'une façon moins noire ! Car au printemps l'air est si frais Qu'en somme les roses naissantes, Qu'Amour semble entr'ouvrir exprès. Ont des senteurs presque innocentes ; Et même les lilas ont beau h Pousser leur haleine poivrée Dans l'ardeur du soleil nouveau : Cet excitant au plus récrée, Tant le zéphir souffle, moqueur. Dispersant l'aphrodisiaque Effluve, en sorte que le cour Chôme et que même l'esprit vaque , Et qu'émoustillés, les cinq sens Se mettent alors de la fête. Mais seuls, tout seuls, bien seuls et sans Que la crise monte à la tête. Ce fut le temps, sous de clairs ciels. (Vous en souvenez-vous, Madame ?) Des baisers superficiels Et des sentiments à fleur d'âme. Exempts de folles passions, Pleins d'une bienveillance amène. Comme tous deux nous jouissions Sans enthousiasme - et sans peine ! Heureux instants c ! - mais vint l'Été : Adieu, rafraîchissantes brises ! Un vent de lourde volupté Investit nos âmes surprises. Des fleurs aux calices vermeils Nous lancèrent leurs odeurs mûres, Et partout les mauvais conseils Tombèrent sur nous des ramures. Nous cédâmes à tout cela, Et ce fut un bien ridicule Vertigo qui nous affola Tant que dura la canicule ". Rires oiseux, pleurs sans raisons, Mains indéfiniment pressées. Tristesses moites, pâmoisons, Et quel vague dans les pensées ! L'Automne, heureusement, avec Son jour froid et ses bises rudes, Vini nous corriger, bref et sec, De nos mauvaises habitudes, Et nous induisit brusquement En l'élégance réclamée De tout irréprochable amant Comme de toute digne aimée... Or, c'est l'Hiver, Madame, et nos Parieurs tremblent pour leur bourse, Et déjà les autres traîneaux Osent nous disputer la course. Les deux mains dans votre manchon. Tenez-vous bien sur la banquette Et filons ! - et bientôt Fanchon Nous fleurira - quoi qu'on caquette ! |
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Paul Verlaine (1844 - 1896) |
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Portrait de Paul Verlaine | |||||||||
OuvresAprès une enfance à Metz, il fait ses études à Paris et trouve un emploi à l'Hôtel de Ville. Il fréquente les salons et cafés littéraires de la capitale et fait la connaissance de nombreux poètes célèbres de son époque. Ces rencontres l'incitent à composer lui aussi des vers. Verlaine est d'un caractère timide, et cette faiblesse est aggravée par des deuils familiaux : il se tourne alors vers la b ChronologieBiographie |
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