Paul Verlaine |
Le poète a fini sa tâche. L'homme, non. L'un se repaît du bruit fait autour de son nom, D compte ses succès sincères ou factices. Depuis l'humble début et les chastes prémices Jusqu'à ses derniers vers, qu'il sent bien fatigués ! Le temps n'est plus des madrigaux jolis et gais, De l'élégie au tour voluptueux et tendre. De l'ode au vol vainqueur, du sonnet qu'à l'entendre (Le poète) on eût cru du Pétrarque, mais mieux. Il voudrait, et de bonne foi, se faisant vieux, Que tout fût dit pour lui sans plus pousser sa gloire, S'en fiant là-dessus à l'humaine Mémoire. C'est un cour, un esprit, une âme retraités. Soignant à loisir ses deux immortalités. Plus soucieux pourtant, quelque ardeur qui l'allume. Quant à son âme, encor de celle de sa plume. Pour l'homme, - le poète à part et lyre et luth Bien écartés, -r mal occupé de son « salut » Peut-être autant que ce poète qu'est lui-même. Son rôle n'est joué qu'à demi, le problème De sa vie, il ne l'a résolu que si peu Qu'il n'est pas sûr de quoi que ce soit devant Dieu. Sa mémoire ne lui dit rien qui le console Ou le désole, ou quoi que ce soit. Sa parole Hésite, et l'action semble ôtée à son bras. Pourtant la volonté, parmi tous embarras. Ennui, remords peut-être, à coup sûr voux en quête Ou las, persiste et bande et tend toute sa tête. Il vit et prétend vivre, et cela très longtemps, Et non pas être heureux de par ses voux contents. Au feu ses passions, en tant pourtant que feues, Satisfaites, non, il aspire à mieux qu'aux queues Des comètes, et c'est le soleil qu'il lui faut. Le bonheur !... Et voici qu'à cette heure prévaut. Dans l'existence de cet homme tout tendresse. L'amour, et qu'il a bien la meilleure maîtresse, Gaîté, bonté, raison, et qu'il aime à mourir De son absence, si ce risque allait courir (Mais elle ne s'en ira pas, dis, ma chérie ?). Or, depuis qu'elle est là, l'humble et droite Égérie, Le charme et le conseil, c'est curieux ce qu'il Gagne en cordial de ce qu'il perd en subtil. U s'intéresse à toute chose, à tort ? peut-être ? Autant et mieux qu'à l'art qui fut l'unique maître De ce cerveau despotiquement fier jadis, Et maintenant doux, tolérant, un paradis ; Une chambre commode, et bien chaude, et bien fraîche. Fraîche comme un bosquet, chaude comme une crèche, Pour toute simple idée et tout raisonnement Clair, et pour toute gentillesse, bonnement. Sous cette muse, aimable et fine inspiratrice, En même temps qu'infiniment dominatrice Dans le sens le meilleur et le plus haut du mot, L'homme reste poète au sens calme qu'il faut, Et le livre qui va venir après tant d'autres, Où, Vertu, vous planez, où. Vice, tu te vautres. S'en va paisiblement, honnête, sous ta loi, Femme en qui le poète et l'homme ont mis leur foi. |
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Paul Verlaine (1844 - 1896) |
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Portrait de Paul Verlaine | |||||||||
OuvresAprès une enfance à Metz, il fait ses études à Paris et trouve un emploi à l'Hôtel de Ville. Il fréquente les salons et cafés littéraires de la capitale et fait la connaissance de nombreux poètes célèbres de son époque. Ces rencontres l'incitent à composer lui aussi des vers. Verlaine est d'un caractère timide, et cette faiblesse est aggravée par des deuils familiaux : il se tourne alors vers la b ChronologieBiographie |
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