Paul Verlaine |
C'est plutôt le sabbat du second Faust que l'autre. Un rhythmique sabbat, rhythmique, extrêmement Rhythmique. - Imaginez un jardin de Lenôtre, Correct, ridicule et charmant. Des ronds-points ; au milieu, des jets d'eau ; des allées Toutes droites ; sylvains de marbre ; dieux marins De bronze ; ça et là, des Vénus étalées ; Des quinconces, des boulingrins ; Des châtaigniers ; des plants de fleurs formant la dune Ici, des rosiers nains qu'un goût docte effila ; Plus loin, des ifs taillés en triangle. La lune D'un soir d'été sur tout cela. Minuit sonne, et réveille au fond du parc aulique Un air mélancolique, un sourd, lent et doux air De chasse : tel, doux, lent, sourd et mélancolique. L'air de chasse de Tannhâuser. Des chants voilés de cors lointains où la tendresse Des sens étreint l'effroi de l'âme en des accords Harmonieusement dissonants dans l'ivresse ; Et voici qu'à l'appel des cors S'entrelacent soudain des formes" toutes blanches, Diaphanes, et que le clair de lune fait Opalines parmi l'ombre verte des branches , - Un Watteau rêvé par Raffet ! - S'entrelacent parmi l'ombre verte des arbres D'un geste alangui, plein d'un désespoir profond, Puis, autour des massifs, des bronzes et des marbres, Très lentement dansent en rond. - Ces spectres agités, sont-ce donc la pensée Du poète ivre, ou son regret, ou son remords , Ces spectres agités en tourbe cadencée, Ou bien tout simplement des morts ? Sont-ce donc ton remords, ô rêvasseur qu'invite L'horreur, ou ton regret, ou ta pensée, - hein ? - tous Ces spectres qu'un vertige irrésistible agite. Ou bien des morts qui seraient fous ? - N'importe ! ils vont toujours, les fébriles fantômes. Menant leur ronde vaste et morne et tressautant Comme dans un rayon de soleil des atomes. Et s'évaporent à l'instant Humide et blême où l'aube éteint l'un après l'autre Les corps, en sorte qu'il ne reste absolument Plus rien - absolument - qu'un jardin de Lenôtre, Correct, ridicule et charmant. |
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Paul Verlaine (1844 - 1896) |
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Portrait de Paul Verlaine | |||||||||
OuvresAprès une enfance à Metz, il fait ses études à Paris et trouve un emploi à l'Hôtel de Ville. Il fréquente les salons et cafés littéraires de la capitale et fait la connaissance de nombreux poètes célèbres de son époque. Ces rencontres l'incitent à composer lui aussi des vers. Verlaine est d'un caractère timide, et cette faiblesse est aggravée par des deuils familiaux : il se tourne alors vers la b ChronologieBiographie |
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