Paul Verlaine |
Il fait bon supinément, Mi-dormant, Dans l'aprication douce D'un déjeuner modéré, Digéré Sur un lit d'herbe et de mousse. Bon songer et bon rêver Et trouver Toute fin et tout principe Dans les flocons onduleux. Roses, bleus Et blancs d'une lente pipe. L'éternel problème ainsi Éclairci, Philosopher est de mise Sur maint objet réclamant Moindrement La synthèse et l'analyse... Je me souviens que j'aimais A jamais (Pensais-je à seize ans) la Gloire, A Thèbes pindariser, Puis oser Ronsardiser sur la Loire, Ou bien être un paladin Gai, hautain. Dur aux félons, qui s'avance Toujours la lance en arrêt! J'ai regret A ces bêtises d'enfance... La femme? En faut-il encor? Ce décor Trouble un peu le paysage Simple, petit et surtout De bon goût Qu'à la fin prise le sage. A vingt ans, même à trente ans. J'eus le temps De me plaire aux mines gentes. Et d'écouter les propos Faux mais beaux. Sexe aime, que tu nous chantes... La Politique, ah, j'en fis ! Mon avis ? Zut et bran ! L'amitié seule Est restée, avec l'espoir De me voir Un jour sauvé de la gueule De cet ennui sans motif Par trop vif. Qui des fois bâille, l'affreuse ! Et de m'endormir, que las ! Dans tes bras. Eternité bienheureuse. Tire-lire et chante-clair ! Voix de l'air Et des fermes, cette aurore Que la mort nous révéla. Dites-la Si douce d'un los sonore ! Nous ne sommes pas le troupeau : C'est pourquoi bien loin des bergères Nous divertissons notre peau Sans plus de phrases mensongères. Amants qui seraient des amis, Nuls serments et toujours fidèles. Tout donné sans rien de promis. Tels nous, et nos morales telles. Nous comptons d'illustres aïeux Parmi les princes et les sages. Les héros et les demi-dieux De tous les temps et tous les âges. En ses jours de gloire et de deuil La Gloire honorait notre grâce ; Notre force était son orgueil Et le rire fier de sa face. Rome aussi nous comblait d'égards ! Nous éclatâmes dans ses thermes ; Les poètes de toutes parts Nous célébrèrent en quels termes ! Chez les modernes nous avons Les Frédéric et les Shakspeare. Nos phalanges en rangs profonds Allaient nous conquérir l'Empire Du monde en de très vieux Olim, Quand, tueurs de femmes et d'hommes. Les jaloux, ces durs Elohim, Se ruèrent sur nos Sodomes... Sus aux Gomorrhes d'à côté ! L'air sent bon, il est tout feux tout flammes Et les cours, aussi, vont embrasés. Une flûte au loin sonne la charge Des amours altières et frivoles. Des amours sincères et des folles. Et de l'Amour multiforme et large. Décor charmant, peuple aimable et fier ; Tout n'est là que jeunesse et que joie, On perçoit des frôlements de soie. On entend des croisements de fer. Maintes guitares bourdonnent, guêpes Du désir élégant et farouche : - « Beau masque, on sait tes yeux et ta bouche. » Des mots lents flottent comme des crêpes. Pourtant, c'est trop beau, pour dire franc... Un pressentiment fait comme une ombre A ce tableau d'extases sans nombre. Et du noir rampe au nuage blanc ! Ô l'incroyable mélancolie Tombant soudain sur la noble fête ! De l'orage ? ô non, c'est la tempête ! L'ennui, le souci ? - C'est la folie ! |
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Paul Verlaine (1844 - 1896) |
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Portrait de Paul Verlaine | |||||||||
OuvresAprès une enfance à Metz, il fait ses études à Paris et trouve un emploi à l'Hôtel de Ville. Il fréquente les salons et cafés littéraires de la capitale et fait la connaissance de nombreux poètes célèbres de son époque. Ces rencontres l'incitent à composer lui aussi des vers. Verlaine est d'un caractère timide, et cette faiblesse est aggravée par des deuils familiaux : il se tourne alors vers la b ChronologieBiographie |
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