Philippe Jaccottet |
L'ouvrage d'un regard d'heure en heure affaibli n'est pas plus de rêver que de former des pleurs, mais de veiller comme un berger et d'appeler tout ce qui risque de se perdre s'il s'endort. * Ainsi, contre le mur éclairé par l'été (mais ne serait-ce pas plutôt par sa mémoire), dans la tranquillité du jour je vous regarde, vous qui vous éloignez toujours plus, qui fuyez, je vous appelle, qui brillez dans l'herbe obscure comme autrefois dans le jardin, voix ou lueurs (nul ne le sait) liant les défunts à l'enfance... (Est-elle morte, telle dame sous le buis, sa lampe éteinte, son bagage dispersé? Ou bien va-t-elle revenir de sous la terre et moi j irais au-devant d elle et je dirais : « Qu'avez-vous fait de tout ce temps qu'on n'entendait ni votre rire ni vos pas dans la ruelle? Fallait-il s'absenter sans personne avertir? ô dame! revenez maintenant parmi nous... ») Dans l'ombre et l'heure d'aujourd'hui se tient cachée, ne disant mot, cette ombre d'hier. Tel est le monde. Nous ne le voyons pas très longtemps : juste assez pour en garder ce qui scintille et va s'éteindre, pour appeler encore et encore, et trembler de ne plus voir. Ainsi s'applique l'appauvri, comme un homme a genoux qu'on verrait s'efforcer contre le vent de rassembler son maigre feu... |
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Philippe Jaccottet (1925 - ?) |
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Portrait de Philippe Jaccottet | |||||||||
Biographie / OuvresL'oeuvre de Jaccottet puise son inspiration dans la contemplation du paysage de sa région. Son oeuvre se distingue notamment par le dépouillement et l'absence d'artifices. Son sujet préféré est l'étude de l'homme dans son milieu naturel. Son journal, publié dans « Les semaisons, carnets 1954-62 » (1984) et « La seconde semaison, carnets 1980-94 » (1996), montre son engagement permanent dans une co |
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