Philippe Jaccottet |
A l'heure où la lumière enfouit son visage dans notre cou, on crie les nouvelles du soir, on nous écorche. L'air est doux. Gens de passage dans cette ville, on pourra juste un peu s'asseoir au bord du fleuve où bouge un arbre à peine vert, après avoir mangé en hâte ; aurai-j'e même le temps de faire ce voyage avant l'hiver, de t'embrasser avant de partir? Si tu m'aimes, retiens-moi, le temps de reprendre souffle, au moins, juste pour ce printemps, qu'on nous laisse tranquilles longer la tremblante paix du fleuve, très loin, jusqu'où s'allument les fabriques immobiles... Mais pas moyen. Il ne faut pas que l'étranger- qui marche se retourne, ou il serait changé en statue : on ne peut qu'avancer. Et les villes qui sont encor debout brûleront. Une chance que j'aie au moins visité Rome, l'an passé, que nous nous soyons vite aimés, avant l'absence, regardés encore une fois, vite embrassés, avant qu'on crie « Le Monde » à notre dernier monde ou « Ce Soir » au dernier beau soir qui nous confonde... Tu partiras. Déjà ton corps est moins réel que le courant qui l'use, et ces fumées au ciel ont plus de racines que nous. C'est inutile de nous forcer. Regarde l'eau, comme elle file par la faille entre nos deux ombres. C'est la fin, qui nous passe le goût de jouer au plus fin. |
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Philippe Jaccottet (1925 - ?) |
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Portrait de Philippe Jaccottet | |||||||||
Biographie / OuvresL'oeuvre de Jaccottet puise son inspiration dans la contemplation du paysage de sa région. Son oeuvre se distingue notamment par le dépouillement et l'absence d'artifices. Son sujet préféré est l'étude de l'homme dans son milieu naturel. Son journal, publié dans « Les semaisons, carnets 1954-62 » (1984) et « La seconde semaison, carnets 1980-94 » (1996), montre son engagement permanent dans une co |
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