Philippe Jaccottet |
Des femmes crient dans la poussière. Car chanter, comment chanterait-on sous ces pierres friables? La ville avec ses bruits, ses grottes, sa clarté, n'est qu'un des noms pour ces grands empires de sable dont le dernier commerce est d'ombre et de lumière. Mais toujours, sur ces gouffres d'eau, luit l'éphémère... Et c'est la chose que je voudrais maintenant pouvoir dire, comme si, malgré les apparences, il m'importait qu'elle fût dite, négligeant toute beauté et toute gloire : qui avance dans la poussière n'a que son souffle pour tout bien, pour toute force qu'un langage peu certain. Toiles, bois, pierres humides, pays poursuivi par l'eau, comme la femme nocturne, la beauté pluvieuse et chaude. Forêt marine à l'aurore, touffue et trempée de vent, j'entre et je suffoque en toi. Paresseuse comme l'huile, mais l'huile devient lueur, brûle, murmure, jubile dans la veilleuse en sueur. Où serez-vous quand agira la mo lune aussi belle qu'un soleil qui rouliez vers le bois marin, oiseaux levés tous ensemble, beaux ouvriers de l'aurore? Et toi, où seras-tu qu'ils éveillaient à peine, à nulle chose de ce monde comparable' sinon précisément à cette clarté grandissante, où seras-tu, petit jour? Pas seulement alors, mais déjà maintenant vous n'êtes plus que cette voix trop faible, que ces paroles toujours vagues. O l'étincelant amour ! Il n'est bientôt plus que l'appel que se lancent les séparés. (Ainsi toute réalité dans le cour où la mort s'affaire devient cri, murmure ou larme.) Alouette, étoile en plein jour, avant qu'il ne soit trop tard, avant que j'en aie fini avec ces choses très claires, puissiez-vous me conduire encore jusqu'au seuil d'une telle nuit. |
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Philippe Jaccottet (1925 - ?) |
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Portrait de Philippe Jaccottet | |||||||||
Biographie / OuvresL'oeuvre de Jaccottet puise son inspiration dans la contemplation du paysage de sa région. Son oeuvre se distingue notamment par le dépouillement et l'absence d'artifices. Son sujet préféré est l'étude de l'homme dans son milieu naturel. Son journal, publié dans « Les semaisons, carnets 1954-62 » (1984) et « La seconde semaison, carnets 1980-94 » (1996), montre son engagement permanent dans une co |
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