Théodore de Banville |
Au milieu d'un monceau de roches accroupies Sur le chemin qui va de Leuctres à Thespies, Un antre affreux s'ouvrait, sinistre, horrible à voir. Des buissons monstrueux tombaient de son flanc noir Hérissés et touffus comme une chevelure, Et dans la pierre en feu, qu'une rouge brûlure Dévore, étaient gravés sur son front ruiné Ces mots : « Ici gémit l'éternel condamné. » Rien n'obstruait le seuil de la sombre caverne. Hercule entra. Dans l'ombre, auprès d'une citerne Dont le flot n'a jamais regardé le ciel bleu, Sur des ossements d'homme était assis un dieu. Or, il avait vécu plus d'ans que la mémoire N'en rêve ; son vieux crâne était comme l'ivoire ; Lui-même d'une flèche il déchirait son flanc ; A force de pleurer ses yeux n'étaient que sang, lit sa barbe de neige avait, pour toucher l'âme, L'ineffable douceur des grands cheveux de femme. Près de lui, devant lui, partout, des ossements Blanchissaient sur le sol ténébreux. Par moments, Un grand fleuve de pleurs débordait son oil terne, Et le beau vieillard-dieu pleurait dans la citerne. Le fils d'Amphitryon fut saisi de pitié. « Oh ! dit-il, sombre aïeul durement châtié, Que fais-tu loin du ciel dont notre oil est avide ? Qui te retient ainsi dans ce cachot livide ? Ton désespoir est-il si vaste et si profond Que tes larmes aient pu remplir ce puits sans fond ? Viens dans la plaine, où sont les ruisseaux et les chênes ! Sur tes bras affaiblis je ne vois pas de chaînes. D'ailleurs, je suis celui qui les brise ; je puis, Si tu le veux, jeter ce rocher dans ce puits ; Quelque dieu qu'ait maudit ta bouche révoltée, Je te délivrerai, fusses-tu Prométhée ! » Le vieillard exhalait des sanglots étouffants. Hercule dit : « Suis-moi, laisse aux petits enfants Cette lâche terreur et cette angoisse folle. Il n'est pas de douleur qu'un ami ne console ; Viens avec moi, remonte à la clarté du jour ! - Non, répondit le grand vaincu, je suis l'Amour. » Janvier 1863 |
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Théodore de Banville (1823 - 1891) |
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Portrait de Théodore de Banville | |||||||||
Biographie / OuvresThéodore de Banville, poète français, né le 14 mars 1823 à Moulins, dans l'Allier, mort le 13 mars 1891, à Paris, à son domicile rue de l'Éperon. Il fut un poète français, et un des chefs de file de l'école parnassienne. Banville professait un amour exclusif de la beauté et s'opposait à la fois à la poésie réaliste et aux épanchements romantiques, face auxquels il affirmait sa foi en la pureté for |
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