Tristan Corbière |
Trou de flibustiers, vieux nid À corsaires! - dans la tourmente, Dors ton bon somme de granit Sur tes caves que le flot hante... Ronfle à la mer, ronfle à la brise; Ta corne dans la brume grise, Ton pied marin dans les brisans... - Dors : tu peux fermer ton oil borgne Ouvert sur le large, et qui lorgne Les Anglais, depuis trois cents ans. - Dors, vieille coque bien ancrée; Les margats et les cormorans Les margats et les cormorans Tes grands poètes d'ouragans Viendront chanter à la marée... - Dors, vieille fille-à-matelots; Plus ne te soûleront ces flots Qui te faisaient une ceinture Dorée, aux nuits rouges de vin, De sang, de feu! - Dors... Sur ton sein L'or ne fondra plus en friture. - Où sont les noms de tes amants... - La mer et la gloire étaient folles! - Noms de lascars! noms de géants! Crachés des gueules d'espingoles... Où battaient-ils, ces pavillons, Ëcharpant ton ciel en haillons!... - Dors au ciel de plomb sur tes dunes... Dors : plus ne viendront ricocher Les boulets morts, sur ton clocher Criblé - comme un prunier - de prunes... - Dors : sous les noires cheminées, Ecoute rêver tes enfants, Mousses de quatre-vingt-dix ans, Épaves des belles années... Il dort ton bon canon de fer, À plat-ventre aussi dans sa souille. Grêlé par les lunes d'hyver... Il dort son lourd sommeil de rouille, - Va : ronfle au vent, vieux ronfleur, Tiens toujours ta gueule enragée Braquée à l'Anglais!... et chargée De maigre jonc-marin en fleur |
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Tristan Corbière (1845 - 1875) |
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Portrait de Tristan Corbière | |||||||||
Biographie / Ouvres1845. |
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