Tristan Corbière |
Ne m'offrez pas un trône ! A moi tout seul je fris, Drôle, en ma sauce jaune De chic et de mépris. Que les bottes vernies Pleuvent du paradis, Avec des parapluies... Moi, va-nu-pieds, j'en ris! - Plate époque râpée, Où chacun a du bien; Où, cuistre sans épée, Le vaurien ne vaut rien ! Papa, - pou, mais honnête, - M'a laissé quelques sous, Dont j'ai fait quelque dette, Pour me payer des poux! Son habit, mis en perce, M'a fait de beaux haillons Que le soleil traverse ; Mes trous sont des rayons. Dans mon chapeau, la lune Brille à travers les trous, Bête et vierge comme une Pièce de cent bous! - Gentilhomme!... à trois queues : Mon nom mal ramassé Se perd à bien des lieues Au diable du passé! Mon blason, - pas bégueule, Est, comme moi, faquin : - Nous bandons à la gueule, Fond troué d'arlequin. - Je pose aux devantures Où je lis : - défendu DE POSER DES ORDURES - Roide comme un pendu ! Et me plante sans gêne Dans le plat du hasard, Comme un couteau sans gaine Dans un plat d'épinard. Je lève haut la cuisse Au bornes que je voi : Potence, pavé, suisse, Fille, priape ou roi! Quand, sans tambour ni flûte, Un servile estafier Au violon me culbute, Je me sens libre et fier!... Et je laisse la vie Pleuvoir sans me mouiller, En attendant l'envie De me faire empailler. - Je dors sous ma calotte, La calotte des deux; Et l'étoile pâlotte Clignote entre mes yeux. Ma Muse est grise ou blonde... Je l'aime et ne sais pas; Elle est à tout le monde... Mais - moi seul - je la bats! A moi ma Chair-de-poule ! A toi! Suis-je pas beau, Quand mon baiser te roule A cru dans mon manteau! Je ris comme une folle Et sens mal aux cheveux, Quant ta chair fraîche colle Contre mon cuir lépreux! Jérusalem. - Octobre. |
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Tristan Corbière (1845 - 1875) |
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Portrait de Tristan Corbière | |||||||||
Biographie / Ouvres1845. |
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