Tristan Corbière |
Deux requins dans ton lit, un' gare' dans ton hamac! Tas d' sacrés chiens d' mat'lots, ouvrez-moi l'oeil... cric... [crac ' Vous allez voir comm' quoi dix-huit mat'lots et l'of-Ficier qui commandait pétèr'ent leur dernier loff. Moi, j'étais quartier-maîtr', quartier-maître et pilote De d' sur un' balançoir' qu'y gna pas dans la flotte, Un' manière d'barquass' que les autr's avaient pris D' sur les forbans (sensé les pratiq's du pays). V saurez pour vot' gouvern' que j'avions mis not' sac Et l' pavillon d'l'Emp'reur sur c't'espèc' d' bric-à-brac. Pour lors, donc, nous croisions sur la mer archi-belle Ousque l'temps est si beau et la mer est si belle Qu'on dirait qu'y en a pas; mais c'est infecté d' Turcs, D'archi-Turcs qui vous cur'nt la carcass' : c'est leur truc. Gna toujours du soleil ou, pour du moins, la lune Là, et c'est bleu qu'on doublé, qu'on navig' comm* sur [une Pancarte à perruquier; pour de l'eau, c'est de l'eau, Mais tout d' mêm' ça n'est pas un' vrai mer à mat'lots, De l'eau doue' qu'est sal', quoi! c'te mer-là, c'te mer-là C'est comm' les poissons roug's dans les débits d'tabac. Pour le nom du navir', ni Français, ni Breton, Ni d' Saint-Malo non plus... un sacré nom de nom, Le Panayotif, quoi!... mais pour le nom d'un brave, C'est le nom de Bisson, commandant, rud' cadavre, Un' moutur' premier brin pour le mat'lot sauté Q' 1' tonnerre d' Dieu n'est qu'un' d'mi-foutaise à côté. « À ta santé, Bisson, c'est la sacré' bouteille De ton vieux matelot; à ta santé, ma vieille! » Pour lors donc, j'étais d' quart. - « Ouvre l'oil, au Trémentin, que me dit Bisson, vois-tu, ce soir, [bossoir, Ça sent 1' pirat' !... » Gros temps, nous étions sous une Ile Ousqu'y pouss' des pirat's pas par douzain', par mille... - Ouvre l'oil au bossoir! Et nous torchions d' la toile À fair' fumer ma chique, et rafal' par rafale L' Panayotif pliait comme un' plume à goéland. - Ouvre l'oil au bossoir!... Tonnerr', voile à l'avant! Branle-bas de combat : du trois-six plein les bailles (Ça donn' du cour au mond'), nous allons rir', racaille! - Voile au vent, voil' sous 1' vent! autant dir' voil' [partout, Comm' si j'en accouchions par l'oil, par tous les bouts. Mais c'est Bisson avec sa plus grande uniforme (Ah! quel homm' veillatif !), aiguillet's, claque à cornes, Enfin, tout 1' tremblement. Moi je m' dis : « gnaura [chaud! » - Trémentin, qu'y me hèle, accoste à moi, mat'lot : T'as du cour? - Moi? pour ça, foi de Dieu, plein mon [ventre! - Boni Si j'avaT ma gaffe avant toi, faut pas s' rendre. - J'sais ça z'aussi bien q'vous. - Oui, mais faut m' [foutre le feu Dans la soute à poudre, et... Ta main, pilote, adieu! Et c'est qu'y m'eroch' la main, c'te patt'-ci, c'est la [même. Tout comme un officier, ni plus ni moins, tout' d' même. - Quoi, c'est tout ça? Ma foi, mon commandant Bisson, Que vous êt's bien bégueul' de prendr' tant de façons! .F saut'rons 1' Panayotif, quoiq' je n'suis qu'un gabier, J' vous 1' sautr'ons aussi z'haut que 1' premier officier. - Silence, 1' mond' partout! » - Moi, j' me colle une [chiq' fraîche. À tribord de ma gueuT, sous mon sifflet, la mèche Piqué' sur les affûts. - Nous y v'ià, veille au grain. C'est q' tout's ces balançoir's nous tombaient d'ssus, [grand train; On r'nàclait leurs odeurs,.à c'te mulon d' vermine; Gnavait des femm's aussi, ça vous jutait un' mine, Un' mine!... et ça pouillass' comme rats à poison D' sur des quartiers d' citrouill's gréé's en papillons. Sacrés tortillards, va!... Bisson, j'vois q' ça 1' gargouille D' pincer 1' carcan d'avec c'te damné tas d' grenouilles. D fout là son cigare, un bon bout. « - Avant d'main, Mon garçon, que je m'dis, gn'aura d'la viande à r'quins!» Tout not' monde était cran' comm' des p'tits amours, [parce Q' j'avais dit q' 1' commandant leur cuisinait sa farce. V pensez q' les Turcs, c'est fort, c'est pas un cuir [chrétien, C'est comm' culots d' gargouss' grées en grouins d' [chiens Et pis des pistolets, plein 1' ventre d'leurs culottes, Longs comm' canul' à vach's... paraît q' c'est leur [marotte! Faut croir' qu' 1* bon Dieu couchait, par un' nuit d' [mardi gras, D'avec la mèr' Ribott, quand il fît ces trogn's là. Jésus queu bosse d' rir' ! - Timonier, barr' dessous... Feu tribord, aval' ça! tout le mond', casse-cou! Et les Bretons aussi! - Attrape à en découdre! - Et v'ian! v'ià leur volé' (bonn' Vierg', queu drôTs de [bougres!) Ça nous rafïl' proprement, comme un coup d'torlischtri, - Attrape à riposter! - Je t'en fous, v'ià m's amis, Comm' des cancr's en chaleur, qui croch'nt à l'abordage, Et leurs sangsu's d' femm's donc, queu cancan, queu [ramage! L'poil dressait d'leurs quat'z yeux, leur lang' sortait d' [leurs dents. J' n'étions plus q'sept... les autr's dans 1* vent' d'ces [chiens savants. Bisson en avait plein, comm' des poux sur un* galle, Qui lui suçaient la vie; y se s'coue, y s'affale Avec un' mèch' qui fum' (g'a pas d' fumé' sans feu). Moi, je r'nifle son truc et je m'ferm* les deux yeux Par précaution... Et j' saut'!... c'est sauté!!... c'est tout [drôle, J' sais comm* quoi j'ai sauté, mais j'sais pas la parole, C'est comm' qui dirait comme une espèc' d' [rognonn'ment, Du coton qu'on s' fourrait dans l'oreill' sensément Et comme un bon coup d'poing qui saut*... J'aval ma [chique |
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Tristan Corbière (1845 - 1875) |
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Portrait de Tristan Corbière | |||||||||
Biographie / Ouvres1845. |
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