Tristan Corbière |
Ô belle hospitalière Qui ne me connais pas, Vierge publique et fière Qui m'as ouvert les bras!... Rompant ma longue chaîne, L'eunuque m'a jeté Sur ton sein royal, Reine!... - Vanité, vanité! - Comme la Vénus nue, D'un bain de lait de chaux Tu sors, blanche Inconnue, Fille des noirs cachots Où l'on pleure, d'usage... - Moi : jamais n'ai chanté Que pour toi, dans ta cage, Cage de la gaîté! La misère parée Est dans le grand égout; Dépouillons la livrée Et la chemise et tout! Que tout mon boiser couvre Ta frnnolie nudité... Vraie ou fausse, 6e rouvre Une virginité! - Plus ce ciel louche et rose Ni ce soleil d'enfer!... - Ta paupière mi-close Tes cils, barreaux de fer! Ta ceinture-dorée, De fer! - Fidélité - Et ta couche encastrée Tombeau de volupté ! À nos cours plus d'alarmes : Libres et bien à nous!... Sens planer les gendarmes, Pigeons du rendez-vous; Et Cupidon-Cerbère À qui la sûreté De nos amours est chère... Quatre murs! - Liberté! Ho! l'Espérance folle - Ce crampon - est au clou. L'existence qui colle Est collée à l'écrou. Le souvenir qui hante À l'huys est resté ; L'huys n'a pas de fente... - Oh le carcan ôté! - Laissons venir la Muse, Elle osera chanter; Et, si le jeu t'amuse, Je veux te la prêter,.. Ton petit lit de sangle, Pour nous a rajouté Les trois bouts du triangle : Triple amour! - Trinité! Plus d'huissiers aux mains sales! Ni mains de chers amis! Ni menottes banales!... - Mon nom est Quatre-Bis. - Hors la terrestre croûte, Désert mal habité, Loin des mortels je goûte Un peu d'éternité. - Prison, sûre conquête Où le poète est roi! Et boudoir plus qu'honnête Où le sage est chez soi, Cruche, au moins ingénue, Puits de la vérité ! Vide, quand on l'a bue... - Vase de pureté ! - - Seule est ta solitude, Et béats tes ennuis Sans pose et sans étude-Plus de jours, plus de nuits ! C'est tout le temps dimanche, Et le far-niente Dort pour moi sur la planche De l'idéalité... ... Jusqu'au jour de misère Où, condamné, je sors Seul, ramer ma galère... Là, n'importe où,... dehors, Laissant emprisonnée À perpétuité Cette fleur cloisonnée, Qui fut ma liberté... - Va : reprends, froide et dure, Pour le captif oison. Ton masque, ta figure De porte de prison... Que d'autres, basse race Dont le dos est voûté, Pour eux te trouvent basse, Altière déité! Cellule 4 bis. - Genova-la-Superba. |
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Tristan Corbière (1845 - 1875) |
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Portrait de Tristan Corbière | |||||||||
Biographie / Ouvres1845. |
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