Tristan Corbière |
Bâtard de Créole et Breton, Il vint aussi là - fourmilière, Bazar où rien n'est en pierre, Où le soleil manque de ton. - Courage! On fait queue... Un planton Vous pousse à la chaîne - derrière ! - ... Incendie éteint, sans lumière; Des seaux passent, vides ou non. - Là, sa pauvre Muse pue-elle Fit le trottoir en demoiselle. Ils disaient : Qu'est-ce qu'elle vend? - Rien. - Elle restait là, stupide, N'entendant pas sonner le vide Et regardant passer le vent... Là : vivre à coups de fouet ! - passer En fiacre, en correctionnelle; Repasser à la ritournelle, Se dépasser, et trépasser!... - Non, petit, il faut commencer Par être grand - simple ficelle - Pauvre : remuer l'or à la pelle; Obscur : un nom à tout casser!... Le coller chez les mastroquets, Et l'apprendre à des perroquets Qui le chantent ou qui le sifflent... - Musique! - C'est le paradis Des mahomets et des houris, Des dieux souteneurs qui se giflent! Poète - Après?... Il faut la chose : Le Parnasse en escalier, Les Dégoûteux, et la Chlorose, Les Bedeaux, les Fous à lier... L! Incompris couche avec sa pose, Sous le zinc d'un mancenillicr; Le Naïf « voudrait que la rose, Dondé ! fût encore au rosier ! » « La rose au rosier, Dondaine ! » - On a le pied fait à sa chaîne. « La rose au rosier »... - Trop tard ! - ... « La rose au rosier »... - Nature! - On est essayeur, pédicure, Ou quelqu'autre chose dans l'art! J'aimais... - Oh, ça n'est plus de vente! Même il faut payer : dans le tas, Pioche la femme ! - Mon amante M'avait dit : « Je n'oublîrai pas... » ... J'avais une amante là-bas Et son ombre pâle me hante Parmi des senteurs de lilas... Peut-être Elle pleure... - Eh bien : chante, Pour toi tout seul, ta nostalgie, Tes nuits blanches sans bougie... Tristes vers, tristes au matin !... Mais ici : fouette-toi d'orgie ! Charge ta paupière rougie, Et sors ton grand air de catin ! * C'est la bohème, enfant : Renie Ta lande et ton clocher à jour, Les mornes de ta colonie Et les bamboulas au tambour. Chanson usée et bien finie, Ta jeunesse... Eh, c'est bon un jour!... Tiens : - C'est toujours neuf - calomnie Tes pauvres amours... et l'amour. Évohé ! ta coupe est remplie ! Jette le vin, garde la lie... Comme ça. - Nul n'a vu le tour. Et qu'un jour le monsieur candide. De toi dise - Infect! Ah splendide! - ... Ou ne dise rien. - C'est plus court. Évohé! fouaille la veine; Évohé! misère : Éblouir! En fille de joie, à la peine Tombe, avec ce mot-là. - Jouir! Rôde en la coulisse malsaine Où vont les fruits mal secs moisir, Moisir pour un quart-d'heure en scène., - Voir les planches, et puis mourir! Va : tréteaux, lupanars, églises, Cour des miracles, cour d'assises s - Quarts-d'heure d'immortalité! Tu parais! c'est l'apothéose!!!... Et l'on te jette quelque chose : - Fleur en papier, ou saleté. - Done, la tramontane est montée : Tu croiras que c'est arrivé! Cinq-cent-millième Prométhée, Au roc de carton peint rivé. Hélas : quel bon oiseau de proie, Quel vautour, quel Monsieur Vautour Viendra mordre à ton petit foie Gras truffé?... pour quoi - Pour le four!. Four banal!... - Adieu la curée !- Ravalant ta rate rentrée, Va, comme le pélican blanc, En écorchant le chant du cygne, Bec-jaune, te percer le flanc!... Devant un pêcheur à la ligne. Tu ris. - Hien ! - Fais de l'amertume. Prends le pli, Méphisto blagueur. De l'absinthe! et ta lèvre écume... Dis que cela vient de ton cour. Fais de toi ton ceuvre posthume. Châtre l'amour... l'amour - longueur! Ton poumon cicatrisé hume Des miasmes de gloire, ô vainqueur! Assez, n'est-ce pas? va-t'en! Laisse Ta bourse - dernière maîtresse - Ton revolver - dernier ami... Drôle de pistolet fini! ... Ou reste, et bois ton fond de vie, Sur une nappe desservie... |
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Tristan Corbière (1845 - 1875) |
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Portrait de Tristan Corbière | |||||||||
Biographie / Ouvres1845. |
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