Valery Larbaud |
Cueille ce triste jour d'hiver sur la mer grise, D'un gris doux, la terre est bleue et le ciel bas Semble tout à la fois désespéré et tendre; Et vois la salle de la petite auberge Si gaie et si bruyante en été, les dimanches, Et où nous sommes seuls aujourd'hui, venus De Naples, non pour voir Baïes et l'entrée des Enfers, Mais pour nous souvenir mélancoliquement. Cueille ce triste jour d'hiver sur la mer grise, Mon amie, ô ma bonne amie, ma camarade I Je crois qu'il est pareil au jour Où Horace composa l'ode à Leuconoé. C'était aussi l'hiver, alors, comme l'hiver Qui maintenant brise sur les rochers adverses la mer Tyrrhénienne, un jour où l'on voudrait Écarter le souci et faire d'humbles besognes, Être sage au milieu de la nature grave, Et parler lentement en regardant la mer... Cueille ce triste jour d'hiver sur la mer grise... Te souviens-tu de Marientyst? (Oh, sur quel rivage, Et en quelle saison sommes-nous? je ne sais.) On y va d'Elseneur, en été, sur des pelouses Pâles; il y a le tombeau d'Hamlet et un hôtel Eclairé à l'électricité, avec tout le confort moderne. C'était l'été du Nord, lumineux, doux voilé. Souviens-toi : on voyait la côte suédoise, en face, Bleue, comme ce profil lointain de l'Italie. Ohl aimes-tu ce jour autant que moi je l'aime? Cueille ce triste jour d'hiver sur la mer grise... Oh! que n'ai-je passé ma vie à Elseneur! Le petit port danois est tranquille, près de la gare, Comme le port définitif des existences. Vivre danoisement dans la douceur danoise De cette ville où est un château avec des dômes en bronze Vert-de-grisés; vivre dans l'innocence, oui, De n'importe quelle petite ville, quelque part, Où tout le monde serait pensif et silencieux, Et où l'on attendrait paisiblement la mort. Cueille ce triste jour d'hiver sur la mer grise, Et laisse-moi cacher mes yeux dans tes mains fraîches; J'ai besoin de douceur et de paix, ô ma sour. Sois mon jeune héros, ma Pallas protectrice, Sois mon certain refuge et ma petite ville; Ce soir, mi Socorro, je suis une humble femme Qui ne sait plus qu'être inquiète et être aimée. |
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Valery Larbaud (1881 - 1957) |
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Portrait de Valery Larbaud | |||||||||
Biographie / OuvresEnfant unique d'un père pharmacien, propriétaire des sources de Vichy Saint-Yorre, décédé quand Valéry Larbaud a huit ans, il est élevé par sa mère et sa tante. En 1908, licencié ès lettres, il publie 'Poèmes par un riche amateur' sans spécifier son nom. Rentier grâce à la fortune familiale, il voyage à grands frais, mène une vie de dandy, fréquentant les stations thermales pour soigner sa santé f |
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