Valery Larbaud |
O combien de fois j'ai pensé à ces larmes, Ces larmes du suprême Inca de l'empire ignoré Si longtemps, sur les hauts plateaux, aux bords lointains Du Pacifique - ces larmes, ces pauvres larmes De ces gros yeux rouges suppliant Pizarre et Almagro. J'y ai songé, tout enfant, lorsque je m'arrêtais Longtemps, dans une galerie sombre, à Lima, Devant ce tableau historique, officiel, terrifiant. On y voit d'abord - belle étude de nu et d'expression - Les femmes de l'Empereur américain, furieuses De douleur, demandant qu'on les tue, et voici, Entouré du clergé en surplis et des croix Et des cierges allumés, non loin de Fray Vicente de Valverde, Atahuallpa, couché sur l'appareil horrible Et inexplicable du garrot, avec son torse brun Nu, et son maigre visage vu de profil, Tandis qu'à ses côtés les Conquistadores Prient, fervents et farouches. Cela fait partie de ces crimes étranges de l'Histoire. Entouré de la majesté des Lois et des splendeurs de l'Église, Si prodigieux d'angoissante horreur, -Qu'on ne peut pas croire qu'ils ne durent Quelque part, au delà du monde visible, éternellement; Et dans ce tableau même, peut-être, demeurent Toujours la même douleur, les mêmes prières, les mêmes larmes, Pareilles aux desseins mystérieux du Seigneur. Et j'imagine volontiers, en cet instant Où j'écris seul, abandonné des dieux et des hommes, Dans un appartement complet du Sonora Palace Hôtel (Quartier de la Californie), Oui, j'imagine que quelque part dans cet hôtel, Dans une chambre éblouissante de lampes électriques, Silencieusement cette même terrible scène, - Cette scène de l'histoire nationale péruvienne Qu'on serine aux enfants, là-bas, dans nos écoles, - S'accomplit exactement Comme, il y a quatre cents ans, à Caxamarca. - Ah! que quelqu'un n'aille pas se tromper de porte! |
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Valery Larbaud (1881 - 1957) |
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Portrait de Valery Larbaud | |||||||||
Biographie / OuvresEnfant unique d'un père pharmacien, propriétaire des sources de Vichy Saint-Yorre, décédé quand Valéry Larbaud a huit ans, il est élevé par sa mère et sa tante. En 1908, licencié ès lettres, il publie 'Poèmes par un riche amateur' sans spécifier son nom. Rentier grâce à la fortune familiale, il voyage à grands frais, mène une vie de dandy, fréquentant les stations thermales pour soigner sa santé f |
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