Valery Larbaud |
Fillettes qui vendez les journaux, court-vêtues, En bleu clair avec des cols marins blancs, Vous revoilà, toujours pour moi mystérieuses. On ne sait : vous avez entre douze et vingt ans; On se demande si vous avez des amoureux; Vous vous ressemblez non seulement de costume, Mais de visage, beaux visages blancs, brillants, Aux traits aimablement durs, aux yeux farouches et bleus. Il y a quelques années, je fus amoureux de vous toutes, Comme j'ai été amoureux des bouquetières romaines, Des jeunes filles de l'île de Marken, qu'on va voir d'Amsterdam, Des paysannes de Corfou, et même aussi D'une fausse bohémienne joueuse d'orgue de Barbarie à Londres. Le déguisement émeut toujours mon cour de poète, Et votre vue me fait imaginer des aventures. Djurgarden, jardins pâles loin des longs quais de pierres Grises d'un gris si doux, si pur et estival! Je veux errer dans ces bocages, le long de ces théâtres, Le cour tout alourdi de calorie-punch glacé. J'irai dans les jardins des restaurations Où des messieurs enivrés dorment sur les tables; J'irai entendre là les derniers airs de Berlin. Et puis je regarderai l'étalage merveilleux Du marchand de phonographes qui est au coin de l'Arsenalsgatan Et la statue de Charles XII me sourira dans les verdures de cette place ombreuse et douce Où j'ai souffert. Stromparterren, place où l'on boit, au bord des eaux, Comme dans l'eau, et sous un pont, sous des feuillages, Le soir, du calorie-punch, et des liqueurs que l'on ne sert, Qu'en flacons d'un quart de litre, qu'il faut bien vider! Cela est la plus douce chose de Stockholm. Cela fait penser à Venise et à des soirs sur la Tamise, Et c'est plus beau que les marchandes de journaux... Et, pour vous garantir de l'humidité des soirs, On vous fait envelopper d'une couverture de laine D'un rouge éclatant, en sorte Que les dames sont toutes des petits Chaperons-Rouges. |
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Valery Larbaud (1881 - 1957) |
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Portrait de Valery Larbaud | |||||||||
Biographie / OuvresEnfant unique d'un père pharmacien, propriétaire des sources de Vichy Saint-Yorre, décédé quand Valéry Larbaud a huit ans, il est élevé par sa mère et sa tante. En 1908, licencié ès lettres, il publie 'Poèmes par un riche amateur' sans spécifier son nom. Rentier grâce à la fortune familiale, il voyage à grands frais, mène une vie de dandy, fréquentant les stations thermales pour soigner sa santé f |
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