Valery Larbaud |
Couché sur le divan au fond de la cabine (Bercé comme une poupée aux bras d'une fillette folle Par le tangage et le roulis - gros temps), J'ai sur l'âme un cercle lumineux : le hublot, Comme une vitrine de boutique où l'on vendrait la mer; Et, à demi sommeillant, je rêve De construire, dans une forme inusitée encore, un poème A la gloire de la mer. O Homère! ô Virgile! O Corpus Poeticum Boréale! C'est dans vos pages Qu'il faut chercher les vérités éternelles De la mer, et ces mythes qui expriment un aspect du temps, Et les féeries de la mer, et l'histoire des vagues, Et le printemps marin, et l'automne marin, Et l'accalmie qui fait une route plate et verte Au char de Neptune et aux cortèges des Néréides. J'ai sur l'âme un cercle lumineux qui voyage De haut en bas, tantôt empli du bleu-gris moucheté de blanc Du paysage méditerranéen, avec un coin de ciel Pâle, tantôt C'est le ciel qui descend remplir le cercle, tantôt Je plonge dans une lumière glauque et froide, Tourbillonnante, et tantôt, d'un seul coup, Le hublot aveuglé de bave bondit s'éblouir en plein ciel blanc. Passe, sur cette ligne d'horizon toujours mouvante, Grand comme un jouet, un vapeur roumain, peint en blanc; 11 roule comme sur un chemin crevé de fondrières, et l'hélice Sort parfois de la mer et bat l'air plein d'écume. Us saluent, du drapeau d'arrière, à mi-mât, Bleu - jaune - rouge. Bruits du navire : voix dans un corridor, Craquements des boiseries, grincements des lampes oscillantes, Rythme des machines, leur odeur fade par bouffées, Cris mangés de vent, qui brouillent la musique D'une mandoline égrenant : « Sobre las olas del mar... » Et le bruit coutumier qui finit par être silence. Oh I sur le pont, là-haut, le vent long et féroce, le vent pirate Sifflant dans les cordages, et faisant claquer comme un fouet Le drapeau de bandes et d'étoiles aux trois couleurs... |
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Valery Larbaud (1881 - 1957) |
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Portrait de Valery Larbaud | |||||||||
Biographie / OuvresEnfant unique d'un père pharmacien, propriétaire des sources de Vichy Saint-Yorre, décédé quand Valéry Larbaud a huit ans, il est élevé par sa mère et sa tante. En 1908, licencié ès lettres, il publie 'Poèmes par un riche amateur' sans spécifier son nom. Rentier grâce à la fortune familiale, il voyage à grands frais, mène une vie de dandy, fréquentant les stations thermales pour soigner sa santé f |
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