Victor Hugo |
Dans les vieilles forêts où la sève à grands flots Court du fût noir de l'aulne au tronc blanc des bouleaux, Bien des fois, n'est-ce pas ? à travers la clairière, Pâle, effaré, n'osant regarder en arrière, Tu t'es hâté, tremblant et d'un pas convulsif, Ô mon maître Albert Dure, ô vieux peintre pensif! On devine, devant tes tableaux qu'on vénère, Que dans les noirs taillis ton oil visionnaire Voyait distinctement, par l'ombre recouverts, Le faune aux doigts palmés, le sylvain aux yeux verts, Pan, qui revêt de fleurs l'antre où tu te recueilles, Et l'antique dryade aux mains pleines de feuilles. Une forêt pour toi, c'est un monde hideux. Le songe et le réel s'y mêlent tous les deux. Là se penchent rêveurs les vieux pins, les grands ormes Dont les rameaux tordus font cent coudes difformes, Et dans ce groupe sombre agité par le vent Rien n'est tout à fait mort ni tout à fait vivant. Le cresson boit ; l'eau court ; les frênes sur les pentes, Sous la broussaille horrible et les ronces grimpantes, Contractent lentement leurs pieds noueux et noirs ; Les fleurs au cou de cygne ont les lacs pour miroirs ; Et, sur vous qui passez et l'avez réveillée, Mainte chimère ' étrange à la gorge écaillée, D'un arbre entre ses doigts serrant les larges nouds, Du fond d'un antre obscur fixe un oil lumineux. O végétation ! esprit ! matière ! force ! Couverte de peau rude ou de vivante écorce ! Aux bois, ainsi que toi, je n'ai jamais erré, Maître, sans qu'en mon cour l'horreur ait pénétré, Sans voir tressaillir l'herbe, et, par le vent bercées, Pendre à tous les rameaux de confuses pensées. Dieu seul, ce grand témoin des faits mystérieux, Dieu seul le sait, souvent, en de sauvages lieux, J'ai senti, moi qu'échauffe une secrète flamme, Comme moi palpiter et vivre avec une âme, Et rire, et se parler dans l'ombre à demi-voix, Les chênes monstrueux qui remplissent les bois. |
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Victor Hugo (1802 - 1885) |
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Portrait de Victor Hugo | |||||||||
Biographie / OuvresC'est Hugo qui, sans doute, a le mieux incarné le romantisme: son goût pour la nature, pour l'exotisme, ses postures orgueilleuses, son rôle d'exilé, sa conception du poète comme prophète, tout cela fait de l'auteur des Misérables l'un des romantiques les plus purs et les plus puissants qui soient. La force de son inspiration s'est exprimée par le vocabulaire le plus vaste de toute la littérature Chronologie1802 - Naissance le 26 Février à Besançon. Il est le troisième fils du capitaine Léopold Hugo et de Sophie Trébuchet. Suivant les affectations du père, nommé général et comte d'Empire en 1809, la famille Hugo s'établit en Italie, en Espagne, puis à Paris. Chronologie historique1848 Bibliographie sÉlective |
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