Victor Hugo |
Maintenant il se dit : - L'empire est chancelant; La victoire est peu sûre. - Il cherche à s'en aller, furtif et reculant. Reste dans la masure! Tu dis : - Le plafond croule. Ils vont, si l'on me voit. Empêcher que je sorte. - N'osant rester ni fuir, tu regardes le toit. Tu regardes la porte; Tu mets timidement la main sur le verrou. Reste en leurs rangs funèbres! Reste! la loi qu'ils ont enfouie en un trou Est là dans les ténèbres. Reste! elle est là, le flanc percé de leur couteau. Gisante, et sur sa bière Ils ont mis une dalle. Un pan de ton manteau Est pris sous cette pierre! Pendant qu'à l'Elysée en fête et plein d'encens On chante, on déblatère. Qu'on oublie et qu'on rit, toi tu pâlis; tu sens Ce spectre sous la terre! Tu ne t'en iras pas! quoi! quitter leur maison Et fuir leur destinée! Quoi! tu voudrais trahir jusqu'à la trahison, Elle-même indignée! Quoi! tu veux renier ce larron au front bas Qui t'admire et t'honore! Quoi ! Judas pour Jésus, tu veux pour Barabbas Erre Judas encore! Quoi! n'as-tu pas tenu l'échelle à ces fripons, En pleine connivence? Le sac de ces voleurs ne lut-il pas, réponds. Cousu par toi d'avance! Les mensonges, la haine au dard froid et visqueux. Habitent ce repaire; Tu t'en vas! de quel droit? étant plus renard qu'eux, Et plus qu'elle vipère! Quand l'Italie en deuil dressa, du Tibre au Pô, Son drapeau magnifique, Quand ce grand peuple, après s'être couché troupeau, Se leva république. C'est toi, quand Rome aux fers jeta le cri d'espoir. Toi qui brisas son aile. Toi qui fis retomber l'affreux capuchon noir Sur sa face éternelle! C'est toi qui restauras Montrouge et Saint-Acheul1, Écoles dégradées, Où l'on met à l'esprit frémissant un linceul. Un bâillon aux idées. C'est toi qui, pour progiès rêvant l'homme animal. Livras l'enfant victime Aux jésuites lascifs, sombres amants du mal, En rut devant le crime! O pauvres chers enfants qu'ont nourris de leur lait Et qu'ont bercés nos femmes. Ces blêmes oiseleurs ont pris dans leur filet Toutes vos douces âmes! Hélas! ce triste oiseau, sans plumes sur la chair. Rongé de lèpro immonde. Qui rampe et qui se meurt dans leur cage de fer. C'est l'avenir du monde! Si nous les laissons faire, on aura dans vingt ans, Sous les cieux que Dieu dore. Une France aux yeux ronds, aux regards clignotants. Qui haïra l'aurore! Ces noirs magiciens, ces jongleurs tortueux. Dont la fraude est la règle. Pour en faire sortir le hibou monstrueux, Ont volé l'ouf de l'aigle! Donc, comme les baskirs, sur Paris éioullé, Et comme les croates. Créateurs du néant, vous avez triomphé Dans VOS haines béates; Et vous êtes joyeux, vous, constructeurs savants Des préjugés sans nombre. Qui, pareils à la nuit, verse/, sur les vivants Des urnes pleines d'ombre! Vous courez saluer le nain Napoléon; Vous dansez dans l'orgie. Ce grand siècle est souillé; c'était le Panthéon, Et c'est la tabagie. Et vous diies : c'est bien! vous sacre/ parmi nous César, au nom de Rome, L'assassin qui, la nuit, se met à deux genoux Sur le ventre d'un homme. Ah! malheureux! louez César qui laii trembler, Adorez son étoile; Vous oubliez le Dieu vivant qui peut rouler Les cieux comme une toile! Encore un peu de temps, et ceci tombera1; Dieu vengera sa cause! Les villes chanteront, le lieu désert sera Joyeux comme une rose! Encore un' peu de temps, et vous ne serez plus. Et je viens vous le dire. Vous êtes les maudits, nous sommes les élus. Regardez-nous sourire! Je le sais, moi qui vis au bord du gouffre amer Sur les rocs centenaires. Moi qui passe mes jours à contempler la mer Pleine de sourds tonnerres' ! Toi, leur chef, sois leur chef ! c'est là ton châtiment. Sois l'homme des discordes! Ces fourbes ont saisi le genre humain dormant El l'ont lié de cordes. Ah! tu voulus défaire, épouvantable affront! Les âmes que Dieu crée? Kh bien, frissonne et pleure, atteint toi-même au front Par ton ouvre exécrée! A mesure que vient l'ignorance, et l'oubli. Et l'erreur qu'elle amène, A mesure qu'aux cieux décroît, soleil pâli. L'intelligence humaine. Et que son jour s'éteint, laissant l'homme méchant Et plus froid que les marbres. Votre honte, ô maudits, grandit comme au couchant Grandit l'ombre des arbres! Oui, reste leur apôtre! oui, tu l'as mérité. C'est là ta peine énorme! Regarde en frémissant dans la postérité Ta mémoire difforme. On voit, louche rhéteur des vieux partis hurlants. Qui mens et qui t'emportes. Pendre à tes noirs discours, comme à des clous sanglants. Toutes les grandes mortes, La justice, la foi, bel ange souffleté Par la goule papale, La vérité, fermant les yeux, la liberté Échevelée et pâle. Et ces deux sours, hélas! nos mères toutes deux, Rome, qu'en pleurs je nomme, Et la France sur qui, raffinement hideux. Coule le sang de Rome! Homme fatal! l'histoire en ses enseignements Te montrera dans l'ombre. Comme on montre un gibet entouré d'ossements Sur la colline sombre! |
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Victor Hugo (1802 - 1885) |
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Portrait de Victor Hugo | |||||||||
Biographie / OuvresC'est Hugo qui, sans doute, a le mieux incarné le romantisme: son goût pour la nature, pour l'exotisme, ses postures orgueilleuses, son rôle d'exilé, sa conception du poète comme prophète, tout cela fait de l'auteur des Misérables l'un des romantiques les plus purs et les plus puissants qui soient. La force de son inspiration s'est exprimée par le vocabulaire le plus vaste de toute la littérature Chronologie1802 - Naissance le 26 Février à Besançon. Il est le troisième fils du capitaine Léopold Hugo et de Sophie Trébuchet. Suivant les affectations du père, nommé général et comte d'Empire en 1809, la famille Hugo s'établit en Italie, en Espagne, puis à Paris. Chronologie historique1848 Bibliographie sÉlective |
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