Victor Hugo |
Ils ont dit : « Nous serons les vainqueurs et les maîtres. Soldats par la tactique et par la robe prêtres. Nous détruirons progrès, lois, vertus, droits, talents. Nous nous ferons un fort avec tous ces décombres, Et pour nous y garder, comme des dogues sombres, Nous démusclerons les préjugés hurlants. « Oui, l'échafaud est bon; la guerre est nécessaire; Acceptez l'ignorance, acceptez la misère; L'enfer attend l'orgueil du tribun triomphant; L'homme parvient à l'ange en passant par la buse. Notre gouvernement fait de force et de ruse Bâillonnera le père, abrutira l'enfant. « Notre parole, hostile au siècle qui s'écoule, Tombera de la chaire en flocons sur la foule; Elle refroidira les cceurs irrésolus, Y glacera tout germe utile ou salutaire, Et puis elle y fondra comme la neige à terre, Et qui la cherchera ne la trouvera plus. « Seulement un froid sombre aura saisi les âmes; Seulement nous aurons tué toutes les flammes; Et si quelqu'un leur crie, à ces français d'alors : Sauvez la liberté pour qui luttaient vos pères! Ils riront, ces français sortis de nos repaires. De la liberté morte et de leurs pères morts. « Prêtres, nous écrirons sur un drapeau qui brille : - Ordre, Religion, Propriété, Famille. - Et si quelque bandit, corse, juif ou payen, Vient nous aider avec le parjure à la bouche, Le sabre aux dents, la torche au poing, sanglant, farouche, Volant et massacrant, nous lui dirons : c'est bien! « Vainqueurs, fortifiés aux lieux inabordables. Nous vivrons arrogants, vénérés, formidables. Que nous importe au fond Christ, Mahomet, Mithra1! Régner est notre but, notre moyen proscrire. Si jamais ici-bas on entend notre rire. Le fond obscur du cour de l'homme tremblera. « Nous garrotterons l'âme au fond d'une caverne. Nations, l'idéal du peuple qu'on gouverne, C'est le moine d'Espagne ou le fellah du Nil. A bas l'esprit! à bas le droit! vive l'épée! Qu'est-ce que la pensée? une chienne échappée. Mettons Jean-Jacque au bagne et Voltaire au chenil. « Si l'esprit se débat, toujours nous l'étoullames. Nous parlerons tout bas à l'oreille des femmes. Nous aurons les pontons, l'Afrique, le Spielbcrg'. Les vieux bûchers sont morts, nous les ferons revivre; N'y pouvant jeter l'homme, on y jette le livre; A défaut de Jean Huss, nous brûlons Gutenberg. « Et quant à la raison, qui prétend juger Rome, Flambeau qu'allume Dieu sous le crâne de l'homme, Dont s'éclairait Socrate et qui guidait Jésus, Nous, pareils au voleur qui se glisse et qui rampe. Et commence en entrant par éteindre la lampe. En arrière et furtifs, nous soufflerons dessus. « Alors dans l'âme humaine obscurité profonde. Sur le néant des cours le vrai pouvoir se fonde. Tout ce que nous voudrons, nous le ferons sans bruit. Pas un souffle de voix, pas un battement d'aile Ne remuera dans l'ombre, et notre citadelle Sera comme une tour plus noire que la nuit. « Nous régnerons. La tourbe obéit comme l'onde. Nous serons tout-puissants, nous régirons le monde; Nous posséderons tout, force, gloire et bonheur; Et nous ne craindrons rien, n'ayant ni foi ni règles... » - Quand vous habiteriez la montagne des aigles, Je vous arracherais de là, dit le Seigneur! Jersey. Novembre 1852. |
Contact - Membres - Conditions d'utilisation
© WikiPoemes - Droits de reproduction et de diffusion réservés.
Victor Hugo (1802 - 1885) |
|||||||||
|
|||||||||
Portrait de Victor Hugo | |||||||||
Biographie / OuvresC'est Hugo qui, sans doute, a le mieux incarné le romantisme: son goût pour la nature, pour l'exotisme, ses postures orgueilleuses, son rôle d'exilé, sa conception du poète comme prophète, tout cela fait de l'auteur des Misérables l'un des romantiques les plus purs et les plus puissants qui soient. La force de son inspiration s'est exprimée par le vocabulaire le plus vaste de toute la littérature Chronologie1802 - Naissance le 26 Février à Besançon. Il est le troisième fils du capitaine Léopold Hugo et de Sophie Trébuchet. Suivant les affectations du père, nommé général et comte d'Empire en 1809, la famille Hugo s'établit en Italie, en Espagne, puis à Paris. Chronologie historique1848 Bibliographie sÉlective |
|||||||||