Victor Hugo |
Qui peut, en cet instant où Dieu peut-être échoue. Deviner Si c'est du côté sombre ou joyeux que la roue Va tourner? Qu'est-ce qui va sortir de ta main qui se voile, O destin? Sera-ce l'ombre infâme et sinistre, ou l'étoile Du matin? Je vois en même temps le meilleur et le pire: Noir tableau! Car la France mérite Austerlitz, et l'empire Waterloo. J'irai, je rentrerai dans ta muraille sainte, O Paris! Je te rapporterai l'âme jamais éteinte Des proscrits. Puisque c'est l'heure où tous doivent se mettre à l'ouvre, Fiers, ardents. Écraser au dehors le tigre, et la couleuvre Au dedans; Puisque l'idéal pur, n'ayant pu nous convaincre, S'engloutit; Puisque nul n'est trop grand pour mourir, ni pourvaincre Trop petit; Puisqu'on voit dans les cieux poindre l'aurore noire Du plus fort; Puisque tout devant nous maintenant est la gloire Ou la mort; Puisqu'en ce jour le sang ruisselle, les toits brûlent. Jour sacré! Puisque c'est le moment où les lâches reculent, J'accourrai. Et mon ambition, quand vient sur la frontière L'étranger, La voici : Part aucune au pouvoir, part entière Au danger. Puisque ces ennemis, hier encor nos hôtes. Sont chez nous. J'irai, je me mettrai, France, devant tes fautes, A genoux! J'insulterai leurs chants, leurs aigles noirs, leurs serres. Leurs défis; Je te demanderai ma part de tes misères, Moi ton fils. Farouche, vénérant, sous leurs affronts infâmes. Tes malheurs, Je baiserai tes pieds, France, l'oil plein de flammes Et de pleurs. France, tu verras bien qu'humble tête éclipsée J'avais foi, Et que je n'eus jamais dans l'âme une pensée Que pour toi. Tu me permettras d'être en sortant des ténèbres Ton enfant; Et tandis que rira ce tas d'hommes funèbres Triomphant, Tu ne trouveras pas mauvais que je t'adore. En priant. Ébloui par ton front invincible, que dore L'orient. Naguère, aux jours d'orgie où l'homme joyeux brille. Et croit peu. Pareil aux durs sarments desséchés où pétille Un grand feu. Quand, ivre de splendeur, de triomphe et de songes, Tu dansais Et tu chantais, en proie aux éclatants mensonges Du succès, Alors qu'on entendait ta fanfare de fête Retentir, O Paris, je t'ai fui comme le noir prophète Fuyait Tyr. Quand l'empire en Gomonhe avait changé Lutèce, Morne, amer. Je me suis envolé dans la grande tristesse De la mer. Là, tragique, écoutant ta chanson, ton délire. Bruits confus, J'opposais à ton luxe, à ton rêve, à ton rire, Un refus. Mais aujourd'hui qu'arrive avec sa sombre foule Attila, Aujourd'hui que le monde autour de toi s'écroule, Me voilà. France, être sur ta claie à l'heure où l'on te traîne Aux cheveux, O ma mère, et porter mon anneau de ta chaîne. Je le veux! J'accours, puisque sur toi la bombe et la mitraille Ont craché. Tu me regarderas debout sur ta muraille, Ou couché. Et peut-être, en ta terre où brille l'espérance. Pur flambeau. Pour prix de mon exil, tu m'accorderas, France, Un tombeau. Bruxelles, 31 août 1870. |
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Victor Hugo (1802 - 1885) |
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Portrait de Victor Hugo | |||||||||
Biographie / OuvresC'est Hugo qui, sans doute, a le mieux incarné le romantisme: son goût pour la nature, pour l'exotisme, ses postures orgueilleuses, son rôle d'exilé, sa conception du poète comme prophète, tout cela fait de l'auteur des Misérables l'un des romantiques les plus purs et les plus puissants qui soient. La force de son inspiration s'est exprimée par le vocabulaire le plus vaste de toute la littérature Chronologie1802 - Naissance le 26 Février à Besançon. Il est le troisième fils du capitaine Léopold Hugo et de Sophie Trébuchet. Suivant les affectations du père, nommé général et comte d'Empire en 1809, la famille Hugo s'établit en Italie, en Espagne, puis à Paris. Chronologie historique1848 Bibliographie sÉlective |
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