Victor Hugo |
Il songe au fier passé des puissants terrigènes, Maintenant dispersés dans vingt charniers divers, Vastes membres d'un monstre auguste, l'univers ; Toute la terre était dans ces hommes énormes ; À cette heure, mêlés aux montagnes sans formes, Ils gisent, accablés par le destin hideux, Plus morts que le sarment qu'un pâtre casse en deux. Où sont-ils ? sous des rocs abjects, cariatides Des Ténares ardents, des Cocytes fétides" ; Encelades a sur lui l'infâme Etna fumant ; C'est son bagne ; et l'on voit de l'âpre entassement Sortir son pied qui semble un morceau de montagne ; Thor est sous l'écueil noir qui sera la Bretagne ; Sur Anax, le géant de Tyrinthe, Arachné File sa toile, tant il est bien enchaîné ;_ Pluton, après avoir mis Kothos dans l'Érèbe, A cloué ses cent mains aux cent portes de Thèbe ' ; Mopse est évanoui sous PAthos, c'est Hermès Qui l'enferme ; on ne peut espérer que jamais Dans ces caves du monde aucun souffle ranime Rhotus, Porphyrion, Mégatlas, Évonyme ; Couché de tout son long sous le haut mont Liban, Titlis souffre, et, saisi par Notus, vil forban, Scrops flotte sous Délos, l'île errante et funeste ; Dronte est muré sous Delphe et Mimas sous Proneste ; Cobès, Géreste, Andes, Béor, Cédalion, Jax, qui dormait le jour ainsi que le lion, Tous ces êtres plus grands que des monts, sont esclaves, Les uns sous des glaciers, les autres sous des laves, Dans on ne sait quel lâche enfer fastidieux ; Et Prométhée' ! Hélas ! quels bandits que ces dieux ! Personne au fond ne sait le crime de Tantalel ; Pour avoir entrevu la baigneuse fatale, Actéon fuit dans l'ombre' ; et qu'a fait Adonis ? Que de héros brisés ! Que d'innocents punis ! Phtos repasse en son cour l'affreux sort de ses frères ; Star dans Lesbos subit l'affront des stercoraires ; Cerbère garde Ephlops, par mille éclairs frappé. Sur qui rampe en enfer la chenille Campés ; C'est sur Mégarios que le mont Ida pèse ; Darse endure le choc des flots que rien n'apaise ; Rham est si bien captif du Styx fuligineux Qu'il n'en a pas encor pu desserrer les nouds ; Atlas porte le monde, et l'on entend le pôle Craquer quand le géant lassé change d'épaule ; Lié sous le volcan Liparis, noir récif, Typhée est au milieu de la flamme, pensif. Tous ces titans, Stellos, Talémon, Ecmonide, Gcs dont l'oil bleu faisait reculer l'euménidel(l. Ont succombé, percés des flèches de l'éther", Sous le guet-apens brusque et vil de Jupiterl. Les géants qui gardaient l'âge d'or, dont la taille Rassurait la nature, ont perdu la bataille. Et les colosses sont remplacés par les dieux. La terre n'a plus d'âme et le ciel n'a plus d'yeux ; Tout est mort. Seuls ces rois épouvantables vivent. Les stupides saisons comme des chiens les suivent, L'ordre étemel les semble approuver en marchant ; Dans l'Olympe, où le cri du monde arrive chant. Où l'étourdissement conseille l'inclémence, On rit. Tant de victoire a droit à la démence. Et ces dieux ont raison. Phtos écume. - Oui, dit-il, Ils ont raison. Eau, flamme, éléments, air subtil, Vous ne vous êtes pas défendus. Votre orage N'a pas eu dans la lutte affreuse assez de rage ; Vous vous êtes laissés museler lâchement. Le mal triomphe ! - Et Phtos frémit. Écroulement ! Tous les géants sont pris et garrottés. Que faire ? Il songe. |
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Victor Hugo (1802 - 1885) |
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Portrait de Victor Hugo | |||||||||
Biographie / OuvresC'est Hugo qui, sans doute, a le mieux incarné le romantisme: son goût pour la nature, pour l'exotisme, ses postures orgueilleuses, son rôle d'exilé, sa conception du poète comme prophète, tout cela fait de l'auteur des Misérables l'un des romantiques les plus purs et les plus puissants qui soient. La force de son inspiration s'est exprimée par le vocabulaire le plus vaste de toute la littérature Chronologie1802 - Naissance le 26 Février à Besançon. Il est le troisième fils du capitaine Léopold Hugo et de Sophie Trébuchet. Suivant les affectations du père, nommé général et comte d'Empire en 1809, la famille Hugo s'établit en Italie, en Espagne, puis à Paris. Chronologie historique1848 Bibliographie sÉlective |
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