Victor Hugo |
Trois amis l'entouraient. C'était à l'Elysée. On voyait du dehors luire cette croisée. Regardant venir l'heure et l'aiguille marcher. Il était là, pensif; et rêvant d'attacher Le nom de Bonaparte aux exploits de Cartouche, 11 sentait approcher son guet-apens farouche. D'un pied distrait dans l'âtre il poussait le tison, Et voici ce que dit l'homme de trahison : « Cette nuit vont surgir mes projets invisibles. Les Saint-Barthélémy sont encore possibles. Paris dort, comme aux temps de Charles de Valois1. Vous allez dans un sac mettre toutes les lois. Et par-dessus le pont les jeter dans la Seine. » O ruffians! bâtards de la fortune obscène. Nés du honteux coït de l'intrigue et du sort! Rien qu'en songeant à vous mon vers indigné sort, Et mon cour orageux dans ma poitrine gronde Comme le chêne au vent dans la forêt profonde! Comme ils sortaient tous trois de la maison Bancal1, Morny, Maupas le grec, Saint-Arnaud le chacal, Voyant passer ce groupe oblique et taciturne. Les clochers de Paris, sonnant l'heure nocturne, S'efforçaient vainement d'imiter le tocsin; Les pavés de Juillet criaient à l'assassin! Tous les spectres sanglants des antiques carnages, Réveillés, se montraient du doigt ces personnages; La Marseillaise, archange aux chants aériens. Murmurait dans les deux : aux armes, citoyens! Paris dormait, hélas! et bientôt, sur les places, Sur les quais, les soldats, dociles populaces. Janissaires conduits par Reibell et Sauboul, Payés comme à Byzance, ivres comme à Stamboul, Ceux de Dulac, et ceux de Korte et d'Espinasse, La cartouchière au flanc et dans l'oeil la menace, Vinrent, le régiment après le régiment. Et le long des maisons ils passaient lentement, A pas sourds, comme on voit les tigres dans les jongles Qui rampent sur le ventre en allongeant leurs ongles; Et la nuit était morne, et Paris sommeillait Comme un aigle endormi pris sous un noir filet. Les chefs attendaient l'aube en fumant leurs cigares. O cosaques! voleurs! chauffeurs! routiers! bulgares! O généraux brigands! bagne, je te les rends! Les juges d'autrefois pour des crimes moins grands Ont brûlé la Voisin et roué vif Desrues2! Éclairant leur affiche infâme au coin des rues3 Et le lâche armement de ces filous hardis. Le jour parut. La nuit, complice des bandits. Prit la fuite, et, traînant à la hâte ses voiles. Dans les plis de sa robe emporta les étoiles Et les mille soleils dans l'ombre étincelant. Comme les sequins d'or qu'emporte en s'en allant Une fille, aux baisers du crime habituée. Qui se rhabille après s être prostituée. Bruxelles. Janvier 1852. |
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Victor Hugo (1802 - 1885) |
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Portrait de Victor Hugo | |||||||||
Biographie / OuvresC'est Hugo qui, sans doute, a le mieux incarné le romantisme: son goût pour la nature, pour l'exotisme, ses postures orgueilleuses, son rôle d'exilé, sa conception du poète comme prophète, tout cela fait de l'auteur des Misérables l'un des romantiques les plus purs et les plus puissants qui soient. La force de son inspiration s'est exprimée par le vocabulaire le plus vaste de toute la littérature Chronologie1802 - Naissance le 26 Février à Besançon. Il est le troisième fils du capitaine Léopold Hugo et de Sophie Trébuchet. Suivant les affectations du père, nommé général et comte d'Empire en 1809, la famille Hugo s'établit en Italie, en Espagne, puis à Paris. Chronologie historique1848 Bibliographie sÉlective |
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