Victor Hugo |
A quoi ce proscrit pensc-t-il? A son champ d'orge ou de laitue, A sa charrue, à son outil, A la grande France abattue. Hélas! le souvenir le tue. Pendant qu'on rente les Dupin Le pauvre exilé souffre et prie. On ne peut pas vivre sans pain; On ne peut pas non plus vivre sans la patrie. - L'ouvrier rêve l'atelier, Et le laboureur sa chaumière. Les pots de Heurs sur l'escalier. Le l'eu brillant, la vitre claire. Au fond le lit de la grand'mère. Quatre gros glands de vieux crépin En faisaient la coquetterie. - On ne peut pas vivre sans pain; On ne peut pas non plus vivre sans la patrie. - En mai volait la mouche à miel; On voyait courir dans les seigles Les moineaux, partageux du ciel; Ils pillaient nos champs, ces espiègles. Tout comme s'ils étaient des aigles. Un château du temps de Pépin Croulait près de la métairie. - On ne peut pas vivre sans pain; On ne peut pas non plus vivre sans la patrie- - Avec sa lime ou son maillet On soutenait enfants et femme; De l'aube au soir on travaillait Et le travail égavait l'âme. O saint travail! lumière et flamme! De Watt, de Jacquart, de Papin1, La jeunesse ainsi fut nourrie. - On ne peut pas vivre sans pain; On ne peut pas non plus vivre sans la patrie. - Les jours de fête, l'ouvrier Laissait les soucis en fourrière; Chantant les chants de février, Blouse au vent, casquette en arrière. On s'en allait à la barrière. On mangeait un douteux lapin Et l'on buvait à la Hongrie. - On ne peut pas vivre sans pain; On ne peut pas non plus vivre sans la patrie. - Les dimanches le pavsan Appclaitjeannc ou Jacqueline, Et disait : « Femme, viens-nous-en, Mets ta coiffe de mousseline! » Et l'on dansait sur la colline. Le sabot, et non l'escarpin. Foulait gaîment l'herbe fleurie! - On ne peut pas vivre sans pain; On ne peut pas non plus vivre sans la patrie. - Les exilés s'en vont pensifs. Leur âme, hélas! n'est plus entière. Ils regardent l'ombre des ifs Sur les Ibsses du cimetière; L'un songe à l'Allemagne altière, L'autre au beau pays transalpin, L'autre à sa Pologne chérie. - On ne peut pas vivre sans pain; On ne peut pas non plus vivre sans la patrie. - Un proscrit, lassé de souffrir, Mourait; calme, il fermait son livre; Et je lui dis : « Pourquoi mourir? » Il me répondit : « Pourquoi vivre? » Puis il reprit : «Je me délivre. Adieu! je meurs. Néron-Scapin Met aux fers la France flétrie... » - On ne peut pas vivre sans pain; On ne peut pas non plus vivre sans la patrie. - « ... Je meurs de ne plus voir les champs Où je regardais l'aube naître. De ne plus entendre les chants Que j'entendais de ma fenêtre. Mon âme est où je ne puis être. Sous quatre planches de sapin, Enterrez-moi dans la prairie. » - On ne peut pas vivre sans pain; On ne peut pas non plus vivre sans la patrie. - |
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Victor Hugo (1802 - 1885) |
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Portrait de Victor Hugo | |||||||||
Biographie / OuvresC'est Hugo qui, sans doute, a le mieux incarné le romantisme: son goût pour la nature, pour l'exotisme, ses postures orgueilleuses, son rôle d'exilé, sa conception du poète comme prophète, tout cela fait de l'auteur des Misérables l'un des romantiques les plus purs et les plus puissants qui soient. La force de son inspiration s'est exprimée par le vocabulaire le plus vaste de toute la littérature Chronologie1802 - Naissance le 26 Février à Besançon. Il est le troisième fils du capitaine Léopold Hugo et de Sophie Trébuchet. Suivant les affectations du père, nommé général et comte d'Empire en 1809, la famille Hugo s'établit en Italie, en Espagne, puis à Paris. Chronologie historique1848 Bibliographie sÉlective |
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