Victor Hugo |
Malgré moi je reviens, et mes vers s'y résignent, A cet homme qui fut si misérable, hélas! Et dont Mathieu Mole, chez les morts qui s'indignent, Parle à Boissy d'Anglas2. O loi sainte! Justice! où tout pouvoir s'étaie, Gardienne de tout droit et de tout ordre humain! Cet homme qui, vingt ans, pour recevoir sa paie. T'avait tendu la main, Quand il te vit sanglante et livrée à l'infâme. Levant tes bras, meurtrie aux talons des soldats. Tourna la tète et dit : Qu'est-ce que cette femme? Je ne la connais pas! Les vieux partis avaient mis au fauteuil ce juste! Ayant besoin d'un homme, on prit un mannequin. Il eût fallu Caton sur cette chaise auguste; On y jucha Pasquin3. Opprobre! il dégradait à plaisir l'assemblée; Souple, insolent, semblable aux valets familiers. Ses gros lazzis marchaient sur l'éloquence ailée Avec leurs gros souliers. Quand on ne croit à rien on est prêt à tout faire. Il eût reçu Cromwell ou Monk dans Temple-Bar1. Suprême abjection! riant avec Voltaire, Votant pour Escobar! Ne sachant que lécher à droite et mordre à gauche. Aidant, à son insu, le crime; vil pantin. Il entr'ouvrait la porte aux sbires en débauche Qui vinrent un matin. Si l'on avait voulu, pour sauver du déluge. Certes, son traitement, sa place, son trésor. Et sa loque d'hermine et son bonnet déjuge Au triple galon d'or, Il eût été complice, il eût rempli sa tâche; Mais les chefs sur son nom passèrent le charbon; Ils n'ont pas daigné faire un traître avec ce lâche; Ils ont dit : à quoi bon? Sous ce règne où l'on vend de la fange au pied cube. Du moins cet homme a-t-il à jamais disparu, Rustre exploiteur des rois, courtisan du Danube, Hideux flatteur bourru! Il s'offrit aux brigands après la loi tuée; El pour qu'il lâchât prise, aux yeux de tout Paris, Il fallut qu'on lui dît : Vieille prostituée. Vois donc tes cheveux gris! Aujourd'hui méprisé, même de cette clique. On voit pendre la honte à son nom infamant, Et le dernierjambeau de la pudeur publique A son dernier serment. Si par hasard, la nuit, dans les carrefours mornes. Fouillant du croc l'ordure où dort plus d'un secret. Un chiffonnier trouvait cette âme au coin des bornes, Il la dédaignerait! Jersey. Décembre 1852. |
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Victor Hugo (1802 - 1885) |
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Portrait de Victor Hugo | |||||||||
Biographie / OuvresC'est Hugo qui, sans doute, a le mieux incarné le romantisme: son goût pour la nature, pour l'exotisme, ses postures orgueilleuses, son rôle d'exilé, sa conception du poète comme prophète, tout cela fait de l'auteur des Misérables l'un des romantiques les plus purs et les plus puissants qui soient. La force de son inspiration s'est exprimée par le vocabulaire le plus vaste de toute la littérature Chronologie1802 - Naissance le 26 Février à Besançon. Il est le troisième fils du capitaine Léopold Hugo et de Sophie Trébuchet. Suivant les affectations du père, nommé général et comte d'Empire en 1809, la famille Hugo s'établit en Italie, en Espagne, puis à Paris. Chronologie historique1848 Bibliographie sÉlective |
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