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Victor Hugo



FantÔmes - Poéme


Poéme / Poémes d'Victor Hugo





I



Hélas! que j'en ai vu mourir de jeunes fillesI
C'est le destin.
Il faut une proie au trépas.
Il faut que l'herbe tombe au tranchant des faucilles;
Il faut que dans le bal les folâtres quadrilles
Foulent des roses sous leurs pas.

Il faut que l'eau s'épuise à courir les vallées;
Il faut que l'éclair brille, et brille peu d'instants;
Il faut qu'avril jaloux brûle de ses gelées
Le beau pommier, trop fier de ses fleurs étoilées.
Neige odorante du printemps.

Oui, c'est la vie.
Après le jour, la nuit livide.
Après tout, le réveil, infernal ou divin.
Autour du grand banquet siège une foule avide;
Mais bien des conviés laissent leur place vide.
Et se lèvent avant la fin.



II



Que j'en ai vu mourir! - l'une était rose et blanche;
L'autre semblait ouïr de célestes accords;
L'autre, faible, appuyait d'un bras son front qui penche
Et, comme en s'envolant l'oiseau courbe la branche,
Son âme avait brisé son corps.

Une, pâle, égarée, en proie au noir délire,
Disait tout bas un nom dont nul ne se souvient;
Une s'évanouit, comme un chant sur la lyre;
Une autre en expirant avait le doux sourire
D'un jeune ange qui s'en revient.

Toutes fragiles fleurs, sitôt mortes que nées !
Alcyons engloutis avec leurs nids flottants!
Colombes, que le ciel au monde avait données !
Qui, de grâce, et d'enfance, et d'amour couronnées
Comptaient leurs ans par les printemps!

Quoi, mortes! quoi, déjà, sous la pierre couchées!
Quoi! tant d'êtres charmants sans regard et sans voixl
Tant de flambeaux éteints! tant de fleurs arrachées!... -
Oh
I laissez-moi fouler les feuilles desséchées.
Et m'égarer au fond des bois !

Doux fantômes! c'est là, quand je rêve dans l'ombre.
Qu'ils viennent tour à tour m'entendre et me parler.
Un jour douteux me montre et me cache leur nombre.
A travers les rameaux et le feuillage sombre
Je vois leurs yeux étinceler.

Mon âme est une sour pour ces ombres si belles.
La vie et le tombeau pour nous n'ont plus de loi.
Tantôt j'aide leurs pas, tantôt je prends leurs ailes.
Vision ineffable où je suis mort comme elles.
Elles, vivantes comme moil

Elles prêtent leur forme à toutes mes pensées.
Je les vois! je les vois!
Elles me disent :
Viens!
Puis autour d'un tombeau dansent entrelacées;
Puis s'en vont lentement, par degrés éclipsées.
Alors je songe et me souviens...



III



Une surtout : - un ange, une jeune
Espagnole! -
Blanches mains, sein gonflé de soupirs innocents,
Un oil noir, où luisaient des regards de créole.
Et ce charme inconnu, cette fraîche auréole

Qui couronne un front de quinze ans !

Non, ce n'est point d'amour qu'elle est morte : pour elle
L'amour n'avait encor ni plaisirs ni combats;
Rien ne faisait encor battre son cour rebelle;
Quand tous en la voyant s'écriaient : qu'elle est belle!
Nul ne le lui disait tout bas.

Elle aimait trop le bal, c'est ce qui l'a tuée.
Le bal éblouissant! le bal délicieux!
Sa cendre encor frémit, doucement remuée.
Quand, dans la nuit sereine, une blanche nuée
Danse autour du croissant des cieux.



Elle aimait trop le bal. -
Quand venait une fête,
Elle y pensait trois jours, trois nuits elle en rêvait.
Et femmes, musiciens, danseurs que rien n'arrête,
Venaient, dans son sommeil, troublant sa jeune tête.
Rire et bruire à son chevet.

Puis c'étaient des bijoux, des colliers, des merveilles!
Des ceintures de moire aux ondoyants reflets;
Des tissus plus légers que des ailes d'abeilles;
Des festons, des rubans, à remplir des corbeilles;
Des fleurs, à payer un palais!

La fête commencée, avec ses sours rieuses
Elle accourait, froissant l'éventail sous ses doigts,
Puis s'asseyait parmi les écharpes soyeuses.
Et son cour éclatait en fanfares joyeuses.
Avec l'orchestre aux mille voix.

C'était plaisir de voir danser la jeune fille!
Sa basquine agitait ses paillettes d'azur;
Ses grands yeux noirs brillaient sous la noire mantille
Telle une double étoile au front des nuits scintille
Sous les plis d'un nuage obscur.

Tout en elle était danse, et rire, et folle joie.
Enfant! -
Nous l'admirions dans nos tristes loisirs;
Car ce n'est point au bal que le cour se déploie,
La cendre y vole autour des tuniques de soie.
L'ennui sombre autour des plaisirs.

Mais elle, par la valse ou la ronde emportée,
Volait, et revenait, et ne respirait pas.
Et s'enivrait des sons de la flûte vantée.
Des fleurs, des lustres d*or, de la fête enchantée,
Du bruit des voix, du bruit des pas.

Quel bonheur de bondir, éperdue, en la foule.
De sentir par le bal ses sens multipliés.
Et de ne pas savoir si dans la nue on roule.
Si l'on chasse en fuyant la terre, ou si l'on foule
Un flot tournoyant sous ses pieds !

Mais, hélas! il fallait, quand l'aube était venue,
Partir, attendre au seuil le manteau de satin.
C'est alors que souvent la danseuse ingénue
Sentit en frissonnant sur son épaule nue
Glisser le souffle du matin.

Quels tristes lendemains laisse le bal folâtre
I
Adieu parure, et danse, et rires enfantins
I
Aux chansons succédait la toux opiniâtre.
Au plaisir rose et frais la fièvre au teint bleuâtre.
Aux yeux brillants les yeux éteints.



IV



Elle est morte. -
A quinze ans, belle, heureuse, adorée
I
Morte au sortir d'un bal qui nous mit tous en deuil.
Morte, hélas! et des bras d'une mère égarée
La mort aux froides mains la prit toute parée.
Pour l'endormir dans le cercueil.

Pour danser d'autres bals elle était encor prête,
Tant la mort fut pressée à prendre un corps si beau !
Et
Ces roses d'un jour qui couronnaient sa tête.
Qui s'épanouissaient la veille en une fête.
Se fanèrent dans un tombeau.



V



Sa pauvre mère ! - hélas ! de son sort ignorante.
Avoir mis tant d'amour sur ce frêle roseau.
Et si longtemps veillé son enfance souffrante.
Et passé tant de nuits à l'endormir pleurante
Toute petite en son berceau !

A quoi bon? -
Maintenant la jeune trépassée.
Sous le plomb du cercueil, livide, en proie au ver.
Dort; et si, dans la tombe où nous l'avons laissée.
Quelque fête des morts la réveille glacée,
Par une belle nuit d'hiver,

Un spectre au rire affreux à sa morne toilette
Préside au lieu de mère, et lui dit :
Il est temps !
Et, glaçant d'un baiser sa lèvre violette.
Passe les doigts noueux de sa main de squelette
Sous ses cheveux longs et flottants.

Puis, tremblante, il la mène à la danse fatale.
Au choeur aérien dans l'ombre voltigeant.
Et sur l'horizon gris la lune est large et pâle.
Et l'arc-en-ciel des nuits teint d'un reflet d'opale
Le nuage aux franges d'argent.



VI



Vous toutes qu'à ses jeux le bal riant convie,
Pensez à l'espagnole éteinte sans retour,
Jeunes filles!
Joyeuse, et d'une main ravie.
Elle allait moissonnant les roses de la vie.
Beauté, plaisir, jeunesse, amour!

La pauvre enfant, de fête en fête promenée.
De ce bouquet charmant arrangeait les couleurs;
Mais qu'elle a passé vite, hélas! l'infortunée!
Ainsi qu'Ophélia par le fleuve entraînée.

Elle est morte en cueillant des fleurs!



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Victor Hugo
(1802 - 1885)
 
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Portrait de Victor Hugo

Biographie / Ouvres

C'est Hugo qui, sans doute, a le mieux incarné le romantisme: son goût pour la nature, pour l'exotisme, ses postures orgueilleuses, son rôle d'exilé, sa conception du poète comme prophète, tout cela fait de l'auteur des Misérables l'un des romantiques les plus purs et les plus puissants qui soient. La force de son inspiration s'est exprimée par le vocabulaire le plus vaste de toute la littérature

Chronologie

1802
- Naissance le 26 Février à Besançon. Il est le troisième fils du capitaine Léopold Hugo et de Sophie Trébuchet. Suivant les affectations du père, nommé général et comte d'Empire en 1809, la famille Hugo s'établit en Italie, en Espagne, puis à Paris.

Chronologie historique

1848

Bibliographie sÉlective


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