Victor Hugo |
Au retour «les beaux jours, dans ce vert floréal Où meurent les Danton trahis par les Real, Quand l'étable s'agite au fond des métairies. Quand l'eau vive au soleil se change en pierreries. Quand la grisette assise, une aiguille à la main. Soupire, et, de côté regardant le chemin, Voudrait aller cueillir des fleurs au lieu de coudre. Quand les nids font l'amour, quand le pommier se poudre Pour le printemps ainsi qu'un marquis pour le bal, Quand, par mai réveillés, Charles douze, Annibal, Disent : c'est l'heure! et font vers les sanglants tumultes Rouler, l'un les canons, l'autre les catapultes; Moi, je crie : ô soleil! salut! parmi les fleurs J'entends les gais pinsons et les merles siffleurs; L'arbre chante; j'accours; ô printemps! on vit double; Câlins entraîne au bois Lvcoris qui se trouble2; Tout rayonne; et le ciel, couvant l'homme enchanté. N'est plus qu'un grand regard plein de sérénité! Alors l'herbe m'invite et le pré me convie; Alors j'absous le sort, je pardonne à la vie. Et je dis : Pourquoi faire autre chose qu'aimer? Je sens, comme au dehors, tout en moi s'animer. Et je dis aux oiseaux : « Petits oiseaux, vous n'êtes Que des chardonnerets et des bergeronnettes. Vous ne me connaissez pas même, vous allez Au hasard dans les champs, dans les bois, dans les blés, Pêle-mêle, pluviers, giïmpereaux, hochequeues. Dressant vos huppes d'or, lissant vos plumes bleues; Vous êtes, quoique beaux, très bêtes; votre loi. C'est d'errer; vous chantez en l'air sans savoir quoi; Eh bien, vous m'inondez d'émotions sacrées! Et quand je vous entends sur les branches dorées. Oiseaux, mon aile s'ouvre, et mon cour rajeuni Boit à l'amour sans fond et s'emplit d'infini! » Et je me laisse aller aux longues rêveries. Ô feuilles d'arbre! oubli! boufs mugissants! prairies! Mais dans ces moments-là, tu le sais, Juvénal, Qu'il sorte par hasard de ma poche un journal. Et que mon oil distrait, qui vers les cieux remonte, Heurte l'un de ces noms qui veulent dire honte. Alors toute l'horreur revient; dans les bois verts Némésis m'apparaît et me montre à travers Les rameaux et les fleurs sa gorge de lurie. C'est que tu veux tout l'homme, ô devoir! ô patrie! C'est que lorsque ton flanc saigne, ô France, tu veux Que l'angoisse nous tienne et dresse nos cheveux. Que nous ne regardions plus autre chose au monde, Et que notre oil, noyé dans la pitié profonde. Cesse de voir les cieux pour ne voir que ton sang! Et je me lève, et tout s'efface, et, frémissant. Je n'ai plus sous les yeux qu'un peuple à la torture. Crimes sans châtiment, griefs sans sépulture. Les géants garrottés livrés aux avortons. Femmes dans les cachots, enfants dans les pontons. Bagnes, sénats, proscrits, cadavres, gémonies; Alors, foulant aux pieds toutes les- fleurs ternies, Je m'enfuis, et je dis à ce soleil si doux : Je veux l'ombre! et je crie aux oiseaux : taisez-vous! Et je pleure! et la strophe, éclose de ma bouche. Bat mon front orageux de son aile farouche. Ainsi pas de printemps! ainsi pas de ciel bleu! Ô bandits, et toi, fils d'Hortensc de Saint-Leu1, Soyez maudits, d'abord d'être ce que vous êtes. Et puis soyez maudits d'obséder les poètes! Soyez maudits, Troplong, Fould, Magnan, Faustin deux, De faire au penseur triste un cortège hideux, De le suivre au désert, dans les champs, sous les ormes. De mêler aux forêts vos figures difformes! Soyez maudits, bourreaux qui lui masquez le jour, ' D'emplir de haine un cour qui déborde d'amour! |
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Victor Hugo (1802 - 1885) |
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Portrait de Victor Hugo | |||||||||
Biographie / OuvresC'est Hugo qui, sans doute, a le mieux incarné le romantisme: son goût pour la nature, pour l'exotisme, ses postures orgueilleuses, son rôle d'exilé, sa conception du poète comme prophète, tout cela fait de l'auteur des Misérables l'un des romantiques les plus purs et les plus puissants qui soient. La force de son inspiration s'est exprimée par le vocabulaire le plus vaste de toute la littérature Chronologie1802 - Naissance le 26 Février à Besançon. Il est le troisième fils du capitaine Léopold Hugo et de Sophie Trébuchet. Suivant les affectations du père, nommé général et comte d'Empire en 1809, la famille Hugo s'établit en Italie, en Espagne, puis à Paris. Chronologie historique1848 Bibliographie sÉlective |
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