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Victor Hugo



Force des choses - Poéme


Poéme / Poémes d'Victor Hugo





Que devant les coquins l'honnête homme soupire;

Que l'histoire soit laide et plate; que l'empire

Boite avec
Tallevrand ou louche avec
Parieu;

Qu'un tour d'escroc bien lait ail nom grâce de
Dieu;

Que le pape en massue ait changé sa houlette;

Qu'on voie au
Champ de
Mars piaffer sous l'épaulette

Le
Meurtre général, le
Vol aide de camp;

Que hors de l'EIvsée un prince débusquant.

Qu'un
Flibustier quittant l'ile de la
Tortue2,

Assassine, extermine, égorge, pille et tue;

Que les bonzes chrétiens, cognant sur leur tam-tam,

Hurlent devant
Soufflard :
Allollile parlant3!

Que pour claqueurs le crime ait cent journaux infâmes.

Ceux qu'à la maison d'or4, sur les genoux des femmes,

Griffonnent les
Romieux, le verre en main, et ceux

Que saint-Ignace inspire à des gredins crasseux;

Qu'en ces vils tribunaux, où le regard se heurte

De
Moreau de la
Seine à
Moreau de la
Meurthe,

La justice ait reçu d'horribles horions;

Que, sur un lit de camp, par des centurions

La loi soit violée et râle à l'agonie;

Que cet-être choisi, créé par
Dieu génie.

L'homme, adore à genoux le loup fait empereur;

Qu'en un éclat de rire abrégé par l'horreur.

Tout ce que nous voyons aujourd'hui se résume;
Qu'Hautpoul vende son sabre et
Cucheval sa plume;
Que tous les grands bandits, en petit copiés,
Revivent; qu'on emplisse un sénat de plats-pieds
Dont la servilité négresse et mamelouque
Eût révolté
Mahmoud et lasserait
Soulouque;
Que l'or soit le seul culte, et qu'en ce temps vénal,
Colfre-lort étant
Dieu,
Gousset soit cardinal;
Que la vieille
Thémis ne soit plus qu'une gouine
Baisant
Mandrin dans l'antre où
Mongis baragouine;
Que
Montalembert bave accoudé sur l'autel;
Que
Vcuillot sur
Sibour crève sa poche au fiel;
Qu'on voie aux bals de cour s'étaler des guenipes
Qui le long des trottoirs traînaient hier leurs nippes,
Beautés de lansquenet avec un profil grec;
Que
Haynau dans
Brescia soit pire que
Lautrec1 ;
Que partout, des
Sept-Tours aux colonnes d'Hercule2,
Napoléon, le poing sur la hanche, recule,
Car l'aigle est vieux,
Essling grisonne,
Marengo
A la goutte,
Austcrlitz est pris d'un lombago;
Que le czar russe ait peur tout autant que le nôtre;
Que l'ours noir et l'ours blanc tremblent l'un devant

[l'autre;
Qu'avec son grand panache et sur son grand cheval
Rayonne
Saint-Arnaud, ci-devant
Florival,
Fort dans la pantomime et les combats à l'hache;
Que
Sodome se montre et que
Paris se cache;
Qu'Escobar et
Houdin vendent le même onguent;
Que grâce à tous ces gueux qu'on touche avec le gant.
Tout dorés au dehors, au dedans noirs de lèpres.
Courant les bals, courant les jeux, allant à vêpres.
Grâce à ces bateleurs mêlés aux scélérats,
La
Saint-Barihclcmv3 s'achève en mardi gras; Ô nature profonde et calme, que t'importe!
Nature,
Isis4 voilée assise à notre porte.



Impénétrable aïeule aux regards attendris,

Vieille comme
Cvbéle et fraîche comme
Iris,

Ce qu'on fait ici-bas s'en va devant ta face;

A ton rayonnement toute laideur s'efface;

Tu ne t'informes pas quel drôle ou quel tvran

Est fait premier chanoine à
Saint-Jean-de-llatran1;

Décembre, les soldats iTes, les lois faussées.

Les cadavres mêlés aux bouteilles cassées,

Ne te font rien; tu suis ton flux et ton reflux.

Quand l'homme des faubourgs s'endort et ne sait plus

Bourrer dans un fusil des balles de calibre;

Quand le peuple français n'est plus le peuple libre;

Quand mon esprit, fidèle au but qu'il se fixa.

Sur celte léthargie applique un vers moxa.

Toi, tu rêves; souvent du fond des geôles sombres,

Sort, comme d'un enfer, le murmure des ombres

Que
Baroche et
Rouher gardent sous les barreaux.

Car ce tas de laquais est un tas de bourreaux;

Étant les cours de boue, ils sont les cours de roche;

Ma strophe alors se dresse, et, pour cingler
Baroche,

Se taille un fouet sanglant dans
Rouher écorché;

Toi, tu ne t'émeus point; flot sans cesse épanché,

La vie indifférente emplit toujours tes urnes;

Tu laisses s'élever des attentats nocturnes,

Des crimes, des fureurs, de
Rome mise en croix,

De
Paris mis aux fers, des guets-apens des rois.

Des pièges, des serments, des toiles d'araignées,

L'orageuse clameur des âmes indignées;

Dans ce calme où toujours tu te réfugias,

Tu laisses le fumier croupir chez
Augias,

Et renaître un passé dont nous nous affranchîmes,

Et le sang rajeunir les abus cacochymes,

La
France en deuil jeter son suprême soupir,

Les prostitutions chanter, et se tapir

Les lâches dans leurs trous, la taupe en ses cachettes.

Et gronder les lions, et rugir les poètes!

Ce n'est pas ton affaire à toi de t'irriter.

Tu verrais, sans frémir et sans te révolter,

Sur tes fleurs, sous tes pins, tes ifs et tes érables,

Errer le plus coquin de tous ces misérables.

Quand
Troplong, le matin, ouvre un oil chassieux,

Vénus, splendeur sereine éblouissant les deux,

Vénus, qui devrait fuir courroucée ei hagarde,

N'a pas l'air de savoir que
Troplong la regarde!

Tu laisserais cueillir une rose à
Dupin!

Tandis que, de velours recouvrant le sapin1,

L'escarpe couronné que l'Europe surveille,

Trône et guette, et qu'il a, lui parlant à l'oreille.

D'un côté
Loyola, de l'autre
Trestaillon,

Ton doigt au blé dans l'ombre entr'ouvre le sillon.

Pendant que l'horreur sort des sénats, des conclaves.

Que les États-Unis oui des marchés d'esclaves

Comme en eut
Rome avant que
Jésus-Christ passât,

Que l'américain libre à l'africain forçat

Met un bât, et qu'on vend des hommes pour des piastres.

Toi, tu gonfles la mer, tu lais lever les astres.

Tu courbes
I arc-en-ciel, tu remplis les buissons

D'essaims, l'air de parfums et les nids de chansons,

Tu fais dans le bois vert la toilette des roses,

Et tu fais concourir, loin des hommes moroses,

Pour des prix inconnus par les anges cueillis,

La candeur de la vierge et la blancheur du
Ivs.

Et quand, tordant ses mains devant les turpitudes,

Le penseur douloureux fuit dans tes solitudes.

Tu lui dis :
Viens! c'est moi! moi que rien ne corrompt!

Je t'aime! et tu répands dans l'ombre, sur son
Iront

Où de l'artère ardente il sent battre les ondes,

L'acre fraîcheur de l'herbe et des feuilles profondes!

Par moments, à te voir, parmi les trahisons.

Mener paisiblement tes mois et tes saisons.



A te voir impassible et froide, quoi qu'on fasse,

Pour qui ne creuse point plus bas que la surface.

Tu semblés bien glacée, et l'on s'étonne un peu.

Quand les proscrits, martyrs du peuple, élus de
Dieu,

Stoïques, dans la mort se couchent sans se plaindre,

Tu n'as l'air de songer qu'à dorer et qu'à peindre

L'aile du scarabée errant sur leurs tombeaux.

Les rois font les gibets, toi, tu fais les corbeaux.

Tu mets le même ciel sur le juste et l'injuste.

Occupée à la mouche, à la pierre, à l'arbuste,

Aux mouvements confus du vil monde animal,

Tu parais ignorer le bien comme le mal;

Tu laisses l'homme en proie à sa misère aiguë.

Que t'importe
Socrate! et tu fais la ciguë.

Tu créas le besoin, l'instinct et l'appétit;

Le fort mange le faible et le grand le petit,

L'ours déjeune du rat, l'autour de la colombe,

Qu'importe! allez, naissez, fourmillez pour la tombe.

Multitudes! vivez, tuez, faites l'amour.

Croissez! le pré verdit, la nuit succède au jour.

L'âne brait, le cheval hennit, le taureau beugle.

O figure terrible, on te croirait aveugle!

Le bon et le mauvais se mêlent sous tes pas.

Dans cet immense oubli, tu ne vois même pas

Ces deux géants lointains penchés sur ton abîme,

Satan, père du mal,
Caïn, père du crime!

Erreur! erreur! erreur! ô géante aux cent veux.
Tu fais un grand labeur, saint et mystérieux !
Oh! qu'un autre que moi te blasphème, ô nature!
Tandis que notre chaîne étreint notre ceinture.
Et que l'obscurité s'étend de toutes parts,
Les principes cachés, les éléments épars.
Le neuve, le volcan à la bouche écarlate,
Le gaz qui se condense et l'air qui se dilate.

Les fluides, l'éther, le germe sourd et lent,
Sont autant d'ouvriers dans l'ombre travaillant;
Ouvriers sans sommeil, sans fatigue, sans nombre.
Tu viens dans cette nuit, libératrice sombre!
Tout travaille, l'aimant, le bitume, le fer.
Le charbon; pour changer en éden notre enfer,
Les forces à ta voix sortent du fond des gouffres.

Tu murmures tout bas : -
Race d'Adam qui souffres.

Hommes, forçats pensants au vieux monde attachés.

Chacune de mes lois vous délivre.
Cherchez! -

Et chaque jour surgit une clarté nouvelle,

Et le penseur épie et le hasard révèle;

Toujours le vent sema, le calcul récolta.

Ici
Fulton, ici
Calvani, là
Voira1.

Sur tes secrets profonds que chaque instant nous livre.

Rêvent; l'homme ébloui déchiffre enfin ton livre

D'heure en heure on découvre un peu plus d'horizon;

Comme un coup de bélier au mur d'une prison.

Du genre humain qui fouille et qui creuse et qui sonde,

Chaque tâtonnement lait tressaillir le monde.

L'hymen des nations s'accomplit.
Passions,

Intérêts, mours et lois, les révolutions

Par qui le cour humain germe et change de formes,

Paris,
Londres.
New-York, les continents énormes,

Ont pour lien un fil qui tremble au fond des mers2.

Une force inconnue, empruntée aux éclairs.

Mêle au courant des flots le courant des idées.

La science, gonflant ses ondes débordées.

Submerge trône et sceptre, idole et potentat.

Tout va, pense, se meut, s'accroît.
L'aérostat

Passe, et du haut des deux ensemence les hommes3.

Chanaan apparaît; le voilà, nous v sommes!

L'amour succède aux pleurs et l'eau vive à la mort,

Et la bouche qui chante à la bouche qui mord.

La science, pareille aux antiques pontifes,

Attelle aux chars tonnants d'effravants hippogriffes;

Le feu souffle aux naseaux de la bête d'airain.

Le globe esclave cède à l'esprit souverain.

Partout où la terreur régnait, où marchait l'homme.

Triste et plus accablé que la bête de somme.

Traînant ses l'ers sanglants que l'erreur a forgés,

Partout où les carcans sortaient des préjugés,

Partout où les césars, posant le pied sur l'âme,

Étoullaient la clarté, la pensée et la flamme.

Partout où le mal sombre, étendant son réseau,

Faisait ramper le ver, tu fais naître l'oiseau!

Par degrés, lentement, on voit sous ton haleine

La liberté sortir de l'herbe de la plaine,

Des pierres du chemin, des branches des forêts.

Rayonner, convertir la science en décrets,

Du vieil univers mort briser la carapace.

Emplir le feu qui luit, l'eau qui bout, l'air qui passe.

Gronder dans le tonnerre, errer dans les torrents.

Vivre! et tu rends le monde impossible aux tyrans !

La matière, aujourd'hui vivante, jadis morte,

Hier écrasait l'homme et maintenant l'emporte.

Le bien germe à toute heure et la joie en tout lieu.

Oh! sois lière en ton cour, toi qui, sous l'oil de
Dieu,

Nous prodigues les dons que ton mystère épanche,

Toi qui regardes, comme une mère se penche

Pour voir naître l'enfant que son ventre a porté,

De ton flanc éternel sortir l'humanité!

Vie! idée! avenir bouillonnant dans les têtes!

Le progrès, reliant entre elles ses conquêtes.

Gagne un point après l'autre, et court contagieux.

De cet obscur amas de laits prodigieux [nomme,

Tu nais plus frissonnant que l'aigle, esprit de l'homme,

Qu'aucun regard n'embrasse et qu'aucun mot ne

Refaisant mours, cités, codes, religion.

Le passé n'est que l'oul d'où tu sors.
Légion1 !

Ô nature! c'est là ta genèse sublime.
Oh! l'éblouissement nous prend sur cette cime!
Le monde, réclamant l'essor que
Dieu lui doit,
Vibre, et dès à présent, grave, attentif, le doigt
Sur la bouche, incliné sur les choses futures,
Sur la création et sur les créatures,
Une vague lueur dans son oil éclatant.
Le voyant, le savant, le philosophe entend
Dans l'avenir, déjà vivant sous ses prunelles,
La palpitation de ces millions d'ailes!



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Victor Hugo
(1802 - 1885)
 
  Victor Hugo - Portrait  
 
Portrait de Victor Hugo

Biographie / Ouvres

C'est Hugo qui, sans doute, a le mieux incarné le romantisme: son goût pour la nature, pour l'exotisme, ses postures orgueilleuses, son rôle d'exilé, sa conception du poète comme prophète, tout cela fait de l'auteur des Misérables l'un des romantiques les plus purs et les plus puissants qui soient. La force de son inspiration s'est exprimée par le vocabulaire le plus vaste de toute la littérature

Chronologie

1802
- Naissance le 26 Février à Besançon. Il est le troisième fils du capitaine Léopold Hugo et de Sophie Trébuchet. Suivant les affectations du père, nommé général et comte d'Empire en 1809, la famille Hugo s'établit en Italie, en Espagne, puis à Paris.

Chronologie historique

1848

Bibliographie sÉlective


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