Victor Hugo |
Soit lointaine, soit voisine. Espagnole ou sarrasine. Il n'est pas une cité Qui dispute sans folie A Grenade la jolie La pomme de la beauté. Et qui, gracieuse, étale Plus de pompe orientale Sous un ciel plus enchanté. Cadix a les palmiers ; Murcie a les oranges ; Jaën, son palais goth aux tourelles étranges; Agreda, son couvent bâti par saint Edmond; Ségovie a l'autel dont on baise les marches. Et l'aqueduc aux trois rangs d'arches Qui lui porte un torrent pris au sommet d'un mont*. Llers a des tours; Barcelone Au faîte d'une colonne Lève un phare sur la mer; Aux rois d'Aragon fidèle, Dans leurs vieux tombeaux, Tudèle Garde leur sceptre de fer; Tolose a des forges sombres Qui semblent, au sein des ombres, Des soupiraux de l'enfer. Le poisson qui rouvrit l'oil mort du vieux Tobie Se joue au fond du golfe où dort Fontarabie; Alicante aux clochers mêle les minarets1 ; Compostelle a son saint; Cordoue aux maisons vieilles A sa mosquée où l'oil se perd dans les merveilles; Madrid a le Manzanarès. Bilbao, des flots couverte, Jette une pelouse verte Sur ses murs noirs et caducs; Médina la chevalière. Cachant sa pauvreté fière Sous le manteau de ses ducs. N'a rien que ses sycomores, Car ses beaux ponts sont aux maures. Aux romains ses aqueducs. Valence a les clochers de ses trois cents églises; L'austère Alcantara livre au souffle des brises Les drapeaux turcs pendus en foule à ses piliers; Salamanque en riant s'assied sur trois collines. S'endort au son des mandolines. Et s'éveille en sursaut aux cris des écoliers. Tortose est chère à saint Pierre; Le marbre est comme la pierre Dans la riche Puycerda; De sa bastille octogone Tuy se vante, et Tarragone De ses murs qu'un roi fonda; Le Douro coule à Zamore; Tolède a l'alcazar maure, Séville a la giralda. Burgos de son chapitre étale la richesse; Pefiaflor est marquise, et Girone est duchesse; Bivar est une nonne aux sévères atours; Toujours prête au combat, la sombre Pampelune, Avant de s'endormir aux rayons de la lune, Ferme sa ceinture de tours. Toutes ces villes d'Espagne S'épandent dans la campagne Ou hérissent la sierra; Toutes ont des citadelles Dont sous des mains infidèles Aucun beffroi ne vibra; Toutes sur leurs cathédrales Ont des clochers en spirales; Mais Grenade a l'Alhambra. L'Alhambra ! l'Alhambra ! palais que les Génies Ont doré comme un rêve et rempli d'harmonies. Forteresse aux créneaux festonnés et croulants, Où l'on entend la nuit de magiques syllabes. Quand la lune, à travers les mille arceaux arabes, Sème les murs de trèfles blancs ! Grenade a plus de merveilles Que n'a de graines vermeilles Le beau fruit de ses vallons ; Grenade, la bien nommée. Lorsque la guerre enflammée Déroule ses pavillons, Cent fois plus terrible éclate Que la grenade écarlate Sur le front des bataillons. Il n'est rien de plus beau ni de plus grand au monde; Soit qu'à Vivataubin Vivaconlud réponde. Avec son clair tambour de clochettes orné; Soit que, se couronnant de feux comme un calife. L'éblouissant Généralife Elève dans la nuit son faîte illuminé. Les clairons des Tours-Vermeilles Sonnent comme des abeilles Dont le vent chasse l'essaim; Alcacava pour les fêtes A des cloches toujours prêtes A bourdonner dans son sein, Qui dans leurs tours africaines Vont éveiller les dulcaynes Du sonore Albaycin. Grenade efface en tout ses rivales; Grenade Chante plus mollement la molle sérénade; Elle peint ses maisons de plus riches couleurs; Et l'on dit que les vents suspendent leurs haleines Quand par un soir d'été Grenade dans ses plaines Répand ses femmes et ses fleurs. L'Arabie est son aïeule. Les maures, pour elle seule, Aventuriers hasardeux, Joueraient l'Asie et l'Afrique, Mais Grenade est catholique, Grenade se raille d'eux; Grenade, la belle ville, Serait une autre Séville, S'il en pouvait être deux. |
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Victor Hugo (1802 - 1885) |
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Portrait de Victor Hugo | |||||||||
Biographie / OuvresC'est Hugo qui, sans doute, a le mieux incarné le romantisme: son goût pour la nature, pour l'exotisme, ses postures orgueilleuses, son rôle d'exilé, sa conception du poète comme prophète, tout cela fait de l'auteur des Misérables l'un des romantiques les plus purs et les plus puissants qui soient. La force de son inspiration s'est exprimée par le vocabulaire le plus vaste de toute la littérature Chronologie1802 - Naissance le 26 Février à Besançon. Il est le troisième fils du capitaine Léopold Hugo et de Sophie Trébuchet. Suivant les affectations du père, nommé général et comte d'Empire en 1809, la famille Hugo s'établit en Italie, en Espagne, puis à Paris. Chronologie historique1848 Bibliographie sÉlective |
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