Victor Hugo |
Je disais : - Ces soldais ont la tète trop basse. Il va leur ouvrir des chemins. Le peuple aime la poudre, et quand le clairon passe La France chante et bat des mains. La guerre est une pourpre où le meurtre se drape; Il va crier son : //nos ego2.' In beau jour, de son crime, ainsi que d'une trappe, Nous verrons sortir Marengo. Il faut bien qu'il leur jette enfin un peu de gloire Après tant de honte et d'horreur! Que, vainqueur, il défile avec tout son prétoire Devant Troplong le procureur; Qu'il tâche de cacher son carcan à l'histoire. Et qu'il fasse par le doreur Ajuster sa sellette au vieux char de victoire Où monta le grand empereur. Il voudra devenir César, frapper, dissoudre Les anciens états ébranlés. Et, calme, à l'univers montrer, tenant la foudre, La main qui lit des fausses clés. II fera du vieux monde éclater la machine; Il voudra vaincre et surnager. Hutlson Lowe, Blùcher, Wellington, Rostopschine1, Que de souvenirs à venger! L'occasion abonde à l'époque où nous sommes. Il saura saisir le moment. On ne peut pas rester avec cinq cent mille hommes Dans la lange éternellement. Il ne peut les laisser courbés sous leur sentence; Il leur faut les hauts faits lointains; A la meute guerrière il faut une pitance De lauriers et de bulletins. Ces soldats, que Décembre orne comme une dartre. Ne peuvent pas, chiens avilis. Ronger à tout jamais le boulevard Montmartre, Quand leurs pères ont Austerlitz! - II Eh bien non! je rêvais. Illusion détruite! Gloire! songe, néant, vapeur! O soldats! quel réveil! l'empire, c'est la fuite. Soldats! l'empire, c'est la peur2. Ce Mandrin de la paix est plein d instincts placides; Ce Schinderhannes craint les coups. O châtiment! pour lui vous lûtes parricides. Soldats, il est poltron pour vous. Votre gloire a péri sous ce hideux incube Aux doigts de fange, au cour d'airain. Ah! frémissez! le czar marche sur le Danube. Vous ne marchez pas sur le Rhin! III Ô nos pauvres enfants! soldats de notre France! Ô triste armée à l'ail terni! Adieu la tente! Adieu les camps! plus d'espérance! Soldats! soldats! tout est fini! N'espérez plus laver dans les combats le crime Dont vous êtes éclaboussés. Pour nous ce fut le piège et pour vous c'est l'abîme. Cartouche règne; c'est assez. Oui, Décembre à jamais vous tient, hordes trompées! Oui, vous êtes ses vils troupeaux! Oui, gardez sur vos mains, gardez sur vos épées. Hélas! gardez sur vos drapeaux Ces souillures qui font horreur à vos familles Et qui font sourire Dracon, Et que ne voudrait pas avoir sur ses guenilles L'équarrisseur de Montlaucon! Gardez le deuil, gardez le sang, gardez la boue! Votre maître hait le danger. Il vous fait reculer; gardez sur votre joue L'âpre soufflet de l'étranger! Ce nain à sa stature a rabaissé vos tailles. Ce n'est qu'au vol qu'il est hardi. Adieu la grande guêtre et les grandes batailles! Adieu Wagram! adieu Lodi! Dans cette honïble glu votre aile est prisonnière. Denïére un crime il faut marcher. C'est fini. Désormais vous avez pour bannière Le tablier de ce boucher! Renoncez aux combats, au nom «le Grande Armée. Au vieil orgueil des trois couleurs; Renoncez à l'immense et superbe lumée. Aux femmes vous jetant des fleurs, A l'encens, aux grands arcs triomphaux que fréquentent Les ombres des héros le soir; Hélas! contentez-vous de ces prêtres qui chantent Des Te Deum dans l'abattoir! Vous ne conquerrez point la palme expiatoire, La palme des exploits nouveaux. Et ous ne verrez pas se dorer dans la gloire-La crinière de vos chevaux! IV Donc l'épopée échoue avant qu'elle commence! Annibal a pris un calmant: L'Europe admire, et mêle une huée immense A cet immense avortement. Donc ce_ neveu s'en va par la porte bâtarde! Donc ce sabreur, ce pourfendeur, Ce masque moustachu dont la bouche vantarde S'ouvrait dans tome sa grandeur, Ce césar qu'un valet tous les matins harnache Pour s'en aller dans les combats. Cet ogre galonné dont le hautain panache Faisait oublier le front bas. Ce tueur qui semblait l'homme que rien n'étonne. Qui jouait, dans les hosanna. Tout barbouillé du sang du ruisseau Tiquetonne, La pantomime d'iéna. Ce héros que Dieu lit général des jésuites, Ce vainqueur qui s'est dit absous. Montre à Clio son nez meurtri de pommes cuites. Son oil éborgné de gros sous! Et notre armée, hélas! sa dupe et sa complice, Baisse un front lugubre et puni. Et voit sous les silllets s'enfuir dans la coulisse Cet écuyer de Franconi! Cet histrion, qu'on cingle à grands coups de lanière, A le crime pour seul talent; Les Saint-Barthélémy1 vont mieux à sa manière Qu'Aboukir et que Friedland. Le cosaque stupide arrache à ce superbe Sa redingote à brandebourgs; L'âne russe a brouté ce Bonaparte en herbe. Sonnez, clairons! battez, tambours! Tranche-Montagne, ainsi que Basile, a la fièvre; La colique empoigne Agramant2; Sur le crâne du loup les oreilles du lièvre Se dressent lamentablement. Le lier-à-bras tremblant se blottit dans son antre; Le grand sabre a peur de briller; La fanfare bégaie et meurt; la flotte rentre Au port, et l'aigle au poulailler. V Et tous ces capitans dont l'épaulette brille Dans les Louvres et les châteaux Disent : « Mangeons la France et le peuple en famille. Sire, les boulets sont brutaux. » Et Forey va criant : « Majesté, prenez garde. » Reibell dit : « Morbleu, sacrebleu! Tenons-nous coi. Le czar fait manouvrer sa garde. Ne jouons pas avec le feu. » Espinasse reprend : « César, gardez la chambre. Ces kalmoucks ne sont pas manchots. » « Coillèz-vous, dit Leroy, du laurier de décembre. Prince, et tenez-vous les pieds chauds. » Et Magnan dit : m Buvons et faisons l'amour, sire! » Les rêves s'en vont à vau-l'eau. Et dans sa sombre plaine, ô douleur, j'entends rire Le noir lion de Waterloo ! |
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Victor Hugo (1802 - 1885) |
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Portrait de Victor Hugo | |||||||||
Biographie / OuvresC'est Hugo qui, sans doute, a le mieux incarné le romantisme: son goût pour la nature, pour l'exotisme, ses postures orgueilleuses, son rôle d'exilé, sa conception du poète comme prophète, tout cela fait de l'auteur des Misérables l'un des romantiques les plus purs et les plus puissants qui soient. La force de son inspiration s'est exprimée par le vocabulaire le plus vaste de toute la littérature Chronologie1802 - Naissance le 26 Février à Besançon. Il est le troisième fils du capitaine Léopold Hugo et de Sophie Trébuchet. Suivant les affectations du père, nommé général et comte d'Empire en 1809, la famille Hugo s'établit en Italie, en Espagne, puis à Paris. Chronologie historique1848 Bibliographie sÉlective |
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