Victor Hugo |
Puits de l'Inde' ! tombeaux ! monuments constellés ! Vous dont l'intérieur n'offre aux regards troublés Qu'un amas tournoyant de marches et de rampes, Froids cachots, corridors où rayonnent des lampes, Poutres où l'araignée a tendu ses longs fils. Blocs ébauchant partout de sinistres profils, Toits de granit, troués comme une frêle toile, Par où l'oil voit briller quelque profonde étoile, Et des chaos de murs, de chambres, de paliers, Où s'écroule au hasard un gouffre d'escaliers ! Cryptes qui remplissez d'horreur religieuse Votre voûte sans fin, mome et prodigieuse ! Cavernes où l'esprit n'ose aller trop avant ! Devant vos profondeurs j'ai pâli bien souvent Comme sur un abîme ou sur une fournaise, Effrayantes Babels ' que rêvait Piranèse ! Entrez si vous l'osez ! Sur le pavé dormant Les ombres des arceaux se croisent tristement ; La dalle par endroits, pliant sous les décombres, S'entr'ouvre pour laisser passer des degrés sombres Qui fouillent, vis de pierre, un souterrain sans fond ; D'autres montent là-haut et crèvent le plafond. Où vont-ils ? Dieu le sait. Du creux d'une arche vide Une eau qui tombe envoie une lueur livide. Une voûte au front vert s'égoutte dans un puits. Dans l'ombre un lourd monceau de roches sans appuis S'arrête retenu par des ronces grimpantes ; Une corde qui pend d'un amas de charpentes S'offre, mystérieuse, à la main du passant. Dans un caveau, penché sur un livre, et lisant. Un vieillard surhumain, sous le roc qui surplombe, Semble vivre oublié par la mort dans sa tombe. Des sphinx, des boufs d'airain, sur l'étrave accroupis. Ont fait des chapiteaux aux piliers décrépits ; L'aspic à l'oil de braise, agitant ses paupières, Passe sa tête plate aux crevasses des pierres. Tout chancelle et fléchit sous les toits entr'ouverts. Le mur suinte, et l'on voit fourmiller à travers De grands feuillages roux, sortant d'entre les marbres, Des monstres qu'on prendrait pour des racines d'arbres. Partout, sur les parois du morne monument, Quelque chose d'affreux rampe confusément ; Et celui qui parcourt ce dédale difforme. Comme s'il était pris par un polype ' énorme, Sur son front effaré, sous son pied hasardeux, Sent vivre et remuer l'édifice hideux ! Aux heures où l'esprit, dont l'oil partout se pose, Cherche à voir dans la nuit le fond de toute chose, Dans ces lieux effrayants mon regard se perdit. Bien souvent je les ai contemplés, et j'ai dit : - Ô rêves de granit ! grottes visionnaires ! Cryptes ! palais ! tombeaux, pleins de vagues tonnerres ! Vous êtes moins brumeux, moins noirs, moins ignorés, Vous êtes moins profonds et moins désespérés Que le destin, cet antre habité par nos craintes, Où l'âme entend, perdue en d'affreux labyrinthes, Au fond, à travers l'ombre, avec mille bruits sourds, Dans un gouffre inconnu tomber le flot des jours ! - |
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Victor Hugo (1802 - 1885) |
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Portrait de Victor Hugo | |||||||||
Biographie / OuvresC'est Hugo qui, sans doute, a le mieux incarné le romantisme: son goût pour la nature, pour l'exotisme, ses postures orgueilleuses, son rôle d'exilé, sa conception du poète comme prophète, tout cela fait de l'auteur des Misérables l'un des romantiques les plus purs et les plus puissants qui soient. La force de son inspiration s'est exprimée par le vocabulaire le plus vaste de toute la littérature Chronologie1802 - Naissance le 26 Février à Besançon. Il est le troisième fils du capitaine Léopold Hugo et de Sophie Trébuchet. Suivant les affectations du père, nommé général et comte d'Empire en 1809, la famille Hugo s'établit en Italie, en Espagne, puis à Paris. Chronologie historique1848 Bibliographie sÉlective |
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