Victor Hugo |
C'est vrai, pour un instant je laisse Tous nos grands problèmes profonds ; Je menais des monstres en laisse, J'errais sur le char des griffons. J'en descends ; je mets pied à terre ; Plus tard, demain, je pousserai Plus loin encor dans le mystère Les strophes au vol effaré. Mais l'aigle aujourd'hui me distance ; (Sois tranquille, aigle, on t'atteindra) Ma strophe n'est plus qu'une stance, Meudon remplace Denderah. Je suis avec l'onde et le cygne, Dans les jasmins, dans floréal, Dans juin, dans le blé, dans la vigne, Dans le grand sourire idéal. Je sors de l'énigme et du songe. La mort, le joug, le noir, le bleu, L'échelle des êtres qui plonge Dans ce gouffre qu'on nomme Dieu ; Les vastes profondeurs funèbres, L'abîme infinitésimal, La sombre enquête des ténèbres, Le procès que je fais au mal ; Mes études sur tout le bagne, Sur les Juifs, sur les Esclavonsi ; Mes visions sur la montagne ; J'interromps tout cela ; vivons. J'ajourne cette ouvre insondable ; J'ajourne Méduse et Satan ' ; Et je dis au sphinx formidable : Je parle à la rose, va-t'en. Ami, cet entracte te fâche. Qu'y faire ? les bois sont dorés ; Je mets sur l'affiche : Relâche ; Je vais rire un peu dans les prés. Je m'en vais causer dans la loge D'avril, ce portier de l'été. Exiges-tu que j'interroge Le bleuet sur l'éternité ? Faut-il qu'à l'abeille en ses courses, Au lys, au papillon qui fuit, À la transparence des sources. Je montre le front de la nuit ? Faut-il, effarouchant les ormes. Les tilleuls, les joncs, les roseaux, Pencher les problèmes énormes Sur le nid des petits oiseaux ? Mêler l'abîme à la broussaille ? Mêler le doute à l'aube en pleurs ? Quoi donc ! ne veux-tu pas que j'aille Faire la grosse voix aux fleurs ? Sur l'effrayante silhouette Des choses que l'homme entrevoit, Vais-je interpeller l'alouette Perchée aux miles de mon toit ? Ne serai-je pas à cent lieues Du bon sens, le jour où j'irai Faire expliquer aux hochequeues Le latin du Dies Ira; ' ? Quand, de mon grenier, je me penche Sur la laveuse qu'on entend, Joyeuse, dans l'écume blanche Plonger ses coudes en chantant, Veux-tu que, contre cette sphère De l'infini sinistre et nu Où saint Jean frémissant vient faire Des questions à l'Inconnu, Contre le globe âpre et sans grèves, Sans bornes, presque sans espoir. Où la vague foudre des rêves Se prolonge dans le ciel noir. Contre l'astre et son auréole, Contre l'immense que-sait-on, Je heurte la bulle qui vole Hors du baquet de Jeanneton ? |
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Victor Hugo (1802 - 1885) |
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Portrait de Victor Hugo | |||||||||
Biographie / OuvresC'est Hugo qui, sans doute, a le mieux incarné le romantisme: son goût pour la nature, pour l'exotisme, ses postures orgueilleuses, son rôle d'exilé, sa conception du poète comme prophète, tout cela fait de l'auteur des Misérables l'un des romantiques les plus purs et les plus puissants qui soient. La force de son inspiration s'est exprimée par le vocabulaire le plus vaste de toute la littérature Chronologie1802 - Naissance le 26 Février à Besançon. Il est le troisième fils du capitaine Léopold Hugo et de Sophie Trébuchet. Suivant les affectations du père, nommé général et comte d'Empire en 1809, la famille Hugo s'établit en Italie, en Espagne, puis à Paris. Chronologie historique1848 Bibliographie sÉlective |
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