Victor Hugo |
Un romantique sage ? Les goûts littéraires de Mérimée lui viennent peut-être d'une famille cultivée et artiste. Ils se révèlent au cours d'études convenables et dans ses premiers essais littéraires, notamment dramatiques. C'est alors le temps d'une jeunesse romantique et byronienne, faite d'un peu d'examens de droit, mais surtout de rencontres (Mme Récamier, Stendhal, dont il parlera dans H.B. [1850], Cuvier, Hugo, Musset, Delacroix, etc.), d'amours et de voyages nombreux (en Angleterre, en Espagne aussi, où il va connaître une petite fille qui deviendra l'impératrice EugéniE). Ses premiers livres sont des ouvres-mystifications, comme le recueil de pièces du Théâtre de Clara Gazul (1825), prétendument composé par une comédienne, ou la Guzla (1827) dans le style poético-folklorique, ici « illyrique », qui est à la mode. Viendront ensuite la Jacquerie, scènes féodales (1828) et la Chronique du règne de Charles IX (1829), utilisant cette fois-ci les ressources du genre historique que les romantiques affectionnent. Mais c'est évidemment avec les nouvelles que le talent de Mérimée s'affirme vraiment : parmi les plus connues de cette époque Mateo Falcone, Tamango (les deux textes en 1829), le Vase étrusque (1830), plus tard les Âmes du purgatoire (1834), la Vénus d'Ille (1837) - où l'auteur lui-même voit son chef-d'ouvre -, avant Arsène Guillot (1844), l'Abbé Aubain (1846), et surtout ces courts romans que sont Colomba (1840) et Carmen (1845). Entre-temps, Mérimée le libéral, élevé dans l'admiration du xvm« siècle et favorable à la monarchie de Juillet, est entré dans l'administration : il devient inspecteur général des Monuments historiques (1834), des fonctions et des curiosités qui l'amènent à des tournées nombreuses en France (des volumes de Notes suivent à chaque fois, accompagnés souvent d'autres études éruditeS). Académicien dès 1844, et, après une expérience théâtrale qui tourne au fiasco (le Carrosse du Saint-Sacrement, 1850), Mérimée devient sous l'Empire l'écrivain attitré de la famille impériale, parfois même l'intendant de ses divertissements (la fameuse « dictée »), ce qui lui vaut honneurs, faveurs (officier de la Légion d'honneur et sénateuR), mais aussi attaques et sarcasmes venant de l'opposition. Sur un plan plus littéraire, cette fin de vie, malgré la maladie, est quand même une époque de travail et d'écriture : Mérimée donne des traductions, des textes nombreux sur l'histoire de la Russie et aussi quelques nouvelles où l'on retrouve un talent intact (Lokis, 1869 ; la Chambre bleue, 1871 ; Djoumane et // Vicolo di Madama Lucrezia, 1873). Les beautés de la différence Une première constante de l'ouvre apparaît tout de suite avec les cultures diverses et les époques disparues que Mérimée met en scène ou pastiche : Moyen Âge et Renaissance dans les ouvrages historiques du début, traditions gitanes dans Carmen, âme corse dans Colomba... jusqu'à la Lituanie de Lokis ou l'Algérie de Djoumane. C'est ici qu'intervient parfois l'inspecteur des Monuments historiques, l'« antiquaire » susceptible de rencontrer une Vénus d'Ille, le lecteur informé, le linguiste ou même l'ethnologue. Mais l'érudition importe moins que son exploitation littéraire, dans la mesure où ces voyages, ces lectures créent surtout une sorte de vertige pittoresque, intéressant à méditer : que deviennent nos références face à des mentalités différentes ? y a-t-il une humanité commune à partager avec l'étranger ? comment assumer la différence qui nous en sépare ? On voit qu'il ne s'agit pas d'un goût banal pour le tableau de couleur locale : l'exotisme, en effet, n'est pas une question de forme, mais quasiment une structure que l'on retrouve, transposée, dans l'exploitation du registre fantastique. De nouveau, s'établit une différence qui rend caducs les repères habituels : le surnaturel produit des visions, il est présent, peut-être, dans une statue trop vivante (la Vénus d'IllE), dans le corps d'un hybride mi-homme, mi-ours (LokiS), avec ce chevauchement des catégories et surtout cette ambiguïté dans laquelle on peut voir la structure même du fantastique. Le surnaturel inquiète le naturel aux yeux d'un narrateur progressivement dérouté, l'objet mort semble s'animer, l'homme se faire bête, et le savant, souvent présent en tant que narrateur, ne peut plus retrouver les cadres de son savoir - cela sans que naisse vraiment la certitude du surnaturel qui nous ferait aller vers le merveilleux. Et un dernier élément confirme cette analyse lorsqu'on découvre le goût de Mérimée pour des psychologies à nos yeux anormales ou peu compréhensibles : elles ne sauraient s'expliquer complètement par la différence de mentalités déjà évoquée. Il y a ainsi en Carmen ou en Colomba une part d'énigme qui peut les faire apparaître comme monstrueuses ; et il est vrai que, lorsqu'il ne s'agit pas de profils insignifiants, les figures féminines sont souvent chez Mérimée les symboles d'une altérité inquiétante et irréductible... « Souviens-toi de te méfier ! » Deux interprétations sont possibles pour rendre compte de ce goût pour Tailleurs et la différence. Ce pourrait être d'abord un désir de découverte : la diversité des mentalités, des cultures et des mondes serait ainsi l'occasion d'une aventure savoureuse, d'une conquête. Mais tel n'est pas l'enjeu : l'intérêt de Mérimée est plutôt dans ce mouvement toujours repris qui lui permet de déranger les certitudes, les préjugés acquis. À celles du savant positif, on oppose le surnaturel, comme on peut surprendre le lecteur avec une culture de l'indépendance nomade (CarmeN) ou avec une morale de la vengeance (ColombA). De même, l'anticléricalisme latent de Mérimée conduit celui-ci à une sorte d'agnosticisme qui interroge et relativise le dogme religieux. D'où cette idée que lire Mérimée, c'est se livrer à un jeu permanent d'hypothèses où la sécurité intellectuelle et narrative n'est jamais possible : une dernière phrase, un dernier paragraphe viendront même mettre en doute l'interprétation probable. Il y a là un trait propre au genre fantastique, comme on le voit dans la Vénus d'Ille ou dans Djoumane : n'est-ce pas la cloche fondue avec le bronze de la statue qui a fait geler les vignes à IIIe ? Quant à la jeune houri que le lieutenant veut embrasser, elle n'est que rêve et disparaît pour laisser place aux moustaches du maréchal des logis Wagner ! Le surnaturel se dissout donc au moment où il semblait s'accomplir et il renaît alors qu'on le croyait disparu : attentes, surprises, hésitations, méfiances et déceptions, une part du charme de Mérimée se trouve dans ces jeux intelligents avec le lecteur qui doit savoir qu'on tente de le mystifier. « Souviens-toi de te méfier ! », cette devise de l'auteur vaut aussi pour lui. On comprend alors le ridicule, aux yeux de Mérimée, de tous les esprits enfermés dans leurs préjugés : les pédants trop confiants en leur savoir, les nobliaux ou les avantageux trop satisfaits d'eux-mêmes, les mondains et les naïfs, tous ceux qui n'ont qu'une attitude ou qu'un langage. Ceux-là ne peuvent être sauvés, à moins qu'une passion ne les anime, mais son ampleur et son mouvement semblent bien excéder les petitesses des gens d'habitude. Litote et ascèse Ce que disent les textes, quelques constatations stylistiques permettent de le confirmer : à tous les niveaux, Mérimée échappe aux conventions et aux facilités. Son choix le plus fréquent est d'abord celui d'une forme courte, celle du conte ou de la nouvelle, et ce choix répond à plusieurs impératifs. La brièveté contraint d'abord à une économie de mots permanente : ne sera dit que l'essentiel, en laissant une grande place à l'implicite auquel le lecteur donnera sens dans une participation accrue par cette simple condition quantitative. Sur un autre plan, cette forme est propice au fantastique dans la mesure où il est plus facile d'y conserver l'ambiguïté qui définit le genre. Elle est enfin celle où l'intervention d'un narrateur, voilée ou mise en valeur, est acceptée, où elle fait partie du genre. Si l'on passe maintenant au détail du texte, on peut être sensible à deux aspects majeurs : d'abord au rythme qui n'est jamais ralenti par des descriptions, de la psychologie ou des pauses narratives sans justification. Un décor, chez Mérimée, se réduit à quelques détails significatifs, une attitude d'esprit apparaît surtout dans un mot ou dans un acte. Phrases courtes, échanges brefs et nerveux, tout semble en accord avec les options génériques et narratives : nous sommes sur tous les plans dans une esthétique de la litote où chaque élément est surdéterminé, offrant une grande densité d'informations, souvent même plusieurs degrés de sens qu'un lecteur attentif devra saisir ; peut-être faut-il voir là aussi les curiosités linguistiques de Mérimée, toujours intéressé par un terme intraduisible, une littérature ignorée et authentique, grand amateur de pseudonymes et de secrets (du cave amantem de la Vénus d'Ille à H.B. à propos de StendhaL). C'est donc dans l'artifice et les jeux littéraires, dans la litote et la mystification, que naît, un peu paradoxalement, une complicité vraie entre Mérimée et son lecteur. Froideur, sécheresse, cynisme, tous ces reproches ne tiennent pas devant le plaisir intelligent et subtil que nous offre Mérimée : il est vrai que ces adjectifs suffisent à restreindre les « happy few » qui le goûteront. |
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Victor Hugo (1802 - 1885) |
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Portrait de Victor Hugo | |||||||||
Biographie / OuvresC'est Hugo qui, sans doute, a le mieux incarné le romantisme: son goût pour la nature, pour l'exotisme, ses postures orgueilleuses, son rôle d'exilé, sa conception du poète comme prophète, tout cela fait de l'auteur des Misérables l'un des romantiques les plus purs et les plus puissants qui soient. La force de son inspiration s'est exprimée par le vocabulaire le plus vaste de toute la littérature Chronologie1802 - Naissance le 26 Février à Besançon. Il est le troisième fils du capitaine Léopold Hugo et de Sophie Trébuchet. Suivant les affectations du père, nommé général et comte d'Empire en 1809, la famille Hugo s'établit en Italie, en Espagne, puis à Paris. Chronologie historique1848 Bibliographie sÉlective |
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