Victor Hugo |
Don Rodrigue est à la chasse. Sans épée et sans cuirasse. Un jour d'été, vers midi, Sous la feuillée et sur l'herbe Il s'assied, l'homme superbe, Don Rodrigue le hardi. La haine en feu le dévore. Sombre, il pense au bâtard maure, A son neveu Mudarra, Dont ses complots sanguinaires Jadis ont tué les frères. Les sept infants de Lara. Pour le trouver en campagne. Il traverserait l'Espagne De Figuère à Setuval. L'un des deux mourrait sans doute. En ce moment sur la route Il passe un homme à cheval. - Chevalier, chrétien ou maure, Qui dors sous le sycomore, Dieu te guide par la main I - Que Dieu répande ses grâces Sur toi, l'écuyer qui passes. Qui passes par le chemin! - Chevalier, chrétien ou maure. Qui dors sous le sycomore. Parmi l'herbe du vallon. Dis ton nom, afin qu'on sache Si tu portes le panache D'un vaillant ou d'un félon. - Si c'est là ce qui t'intrigue. On m'appelle don Rodrigue, Don Rodrigue de Lara; Dofia Sanche est ma sour même. Du moins> c'est à mon baptême Ce qu'un prêtre déclara. J'attends sous ce sycomore; J'ai cherché d'Albe à Zamore Ce Mudarra le bâtard. Le fils de la renégate, Qui commande une frégate Du roi maure Aliatar. Certe, à moins qu'il ne m'évite. Je le reconnaîtrais vite; Toujours il porte avec lui Notre dague de famille; Une agate au pommeau brille. Et la lame est sans étui. Oui, par mon âme chrétienne. D'une autre main que la mienne Ce mécréant ne mourra. C'est le bonheur que je brigue... - On t'appelle don Rodrigue, Don Rodrigue de Lara? Eh bien ! seigneur, le jeune homme Qui te parle et qui te nomme. C'est Mudarra le bâtard. C'est le vengeur et le juge. Cherche à présent un refuge! - L'autre dit : - Tu viens bien tard ! - Moi, fils de la renégate. Qui commande une frégate Du roi maure Aliatar, Moi, ma dague et ma vengeance. Tous les trois d'intelligence. Nous voici! - Tu viens bien tard! - Trop tôt pour toi, don Rodrigue, A moins qu'il ne te fatigue De vivre... Ah! la peur t'émeut. Ton front pâlit; rends, infâme, A moi ta vie, et ton âme A ton ange, s'il en veut! Si mon poignard de Tolède Et mon Dieu me sont en aide. Regarde mes yeux ardents. Je suis ton seigneur, ton maître. Et je t'arracherai, traître. Le souffle d'entre les dents ! Le neveu de doiïa Sanche Dans ton sang enfin étanche La soif qui le dévora. Mon oncle, il faut que tu meures. Pour toi plus de jours ni d'heures!... - Mon bon neveu Mudarra, Un moment! attends que j'aille Chercher mon fer de bataille. - Tu n'auras d'autres délais Que celui qu'ont eu mes frères; Dans les caveaux funéraires Où tu les as mis, suis-les ! Si, jusqu'à l'heure venue, J'ai gardé ma lame nue, C'est que je voulais, bourreau. Que, vengeant la renégate, Ma dague au pommeau d'agate Eût ta gorge pour fourreau. |
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Victor Hugo (1802 - 1885) |
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Portrait de Victor Hugo | |||||||||
Biographie / OuvresC'est Hugo qui, sans doute, a le mieux incarné le romantisme: son goût pour la nature, pour l'exotisme, ses postures orgueilleuses, son rôle d'exilé, sa conception du poète comme prophète, tout cela fait de l'auteur des Misérables l'un des romantiques les plus purs et les plus puissants qui soient. La force de son inspiration s'est exprimée par le vocabulaire le plus vaste de toute la littérature Chronologie1802 - Naissance le 26 Février à Besançon. Il est le troisième fils du capitaine Léopold Hugo et de Sophie Trébuchet. Suivant les affectations du père, nommé général et comte d'Empire en 1809, la famille Hugo s'établit en Italie, en Espagne, puis à Paris. Chronologie historique1848 Bibliographie sÉlective |
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