Victor Hugo |
J'ai bien assez vécu, puisque dans mes douleurs Je marche, sans trouver de bras qui me secourent, Puisque je ris à peine aux enfants qui m'entourent, Puisque je ne suis plus réjoui par les fleurs; Puisqu'au printemps, quand Dieu met la nature en fête J'assiste, esprit sans joie, à ce splendide amour; Puisque je suis à l'heure où l'homme fuit le jour, Hélas ! et sent de tout la tristesse secrète ; Puisque l'espoir serein dans mon âme est vaincu ; Pisqu'en cette saison des parfums et des roses, O ma fille! j'aspire à l'ombre où tu reposes, Puisque mon cour est mort, j'ai bien assez vécu. Je n'ai pas refusé ma tâche sur la terre. Mon sillon? Le voilà. Ma gerbe? La voici. J'ai vécu souriant, toujours plus adouci, Debout, mais incliné du côté du mystère. J'ai fait ce que j'ai pu; j'ai servi, j'ai veillé, Et j'ai vu bien souvent qu'on riait de ma peine. Je me suis étonné d'être un objet de haine, Ayant beaucoup souffert et beaucoup travaillé. Dans ce bagne terrestre où ne s'ouvre aucune aile, Sans me plaindre, saignant, et tombant sur les mains. Morne, épuisé, raillé par les forçats humains, J'ai porté mon chaînon de la chaîne éternelle. Maintenant, mon regard ne s'ouvre qu'à demi ; Je ne me tourne plus même quand on me nomme ; Je suis plein de stupeur et d'ennui, comme un homme Qui se lève avant l'aube et qui n'a pas dormi. Je ne daigne plus même, en ma sombre paresse, Répondre à l'envieux dont la bouche me nuit. O Seigneur! ouvrez-moi les portes de la nuit, Afin que je m'en aille et que je disparaisse ! Demain, des l'aube, à l'heure où blanchit la campagne, Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m'attends. J'irai par la forêt, j'irai par la montagne. Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps. Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées, Sans rien voir au-dehors, sans entendre aucun bruit, Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées, Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit. Je ne regarderai ni l'or du soir qui tombe, Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur, Et, quand j'arriverai, je mettrai sur ta tombe Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur. |
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Victor Hugo (1802 - 1885) |
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Portrait de Victor Hugo | |||||||||
Biographie / OuvresC'est Hugo qui, sans doute, a le mieux incarné le romantisme: son goût pour la nature, pour l'exotisme, ses postures orgueilleuses, son rôle d'exilé, sa conception du poète comme prophète, tout cela fait de l'auteur des Misérables l'un des romantiques les plus purs et les plus puissants qui soient. La force de son inspiration s'est exprimée par le vocabulaire le plus vaste de toute la littérature Chronologie1802 - Naissance le 26 Février à Besançon. Il est le troisième fils du capitaine Léopold Hugo et de Sophie Trébuchet. Suivant les affectations du père, nommé général et comte d'Empire en 1809, la famille Hugo s'établit en Italie, en Espagne, puis à Paris. Chronologie historique1848 Bibliographie sÉlective |
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