Yves Bonnefoy |
I On dit qu'un dieu chercha Sur les eaux closes Comme un rapace veut Sa proie lointaine Et d'un cri répété, Rauque, désert, Créa le temps qui brille Où la vague se creuse. La nuit couvre le jour Puis se retire, Son écume déferle Sur les pierres d'ici. Qu'est-ce que Dieu, s'il n'a Que le temps pour ouvre, A-t-il voulu mourir Faute de pouvoir naître? En vain fut son combat Contre l'absence. Il jeta le filet, Elle tint le glaive. II Mais demeure l'éclair Au-dessus du monde Comme à un gué, cherchant De pierre en pierre. Est-ce que la beauté N'a été qu'un rêve, Le visage aux yeux clos De la lumière? Non, puisqu'elle a reflet En nous, et c'est la flamme Qui dans l'eau du bois mort Se baigne nue. C'est le corps exalté Par un miroir Comme un feu prend, soudain, Dans un cercle de pierres. Et a sens le mot joie Malgré la mort Là où creuse le vent Ces braises claires. III Suffisance des jours Qui vont vers l'aube Par éblouissements Dans le ciel nocturne. Le glaive, le filet Ne sont plus qu'une Main, qui étreint en paix La nuque brève. L'âme est, illuminée, Comme un nageur Qui se jette, d'un coup, Sous la lumière Et ses yeux sont fermés, Son corps est nu, Sa bouche veut le sel, Non le langage. |
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Yves Bonnefoy (1923 - ?) |
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