Yves Bonnefoy |
I L'oiseau qui s'est dépris d'être Phénix Demeure seul dans l'arbre pour mourir. Il s'est enveloppé de la nuit de blessure, II ne sent pas l'épée qui pénètre son cceur. Comme l'huile a vieilli et noirci dans les lampes. Comme tant de chemins que nous étions, perdus, Il fait un lent retour à la matière d'arbre. Il sera bien un jour. Il saura bien un jour être la bête morte, L'absence au col tranché que dévore le sang. Il tombera dans l'herbe, ayant trouvé Dans l'herbe le profond de toute vérité. Le goût du sang battra de vagues son rivage. II L'oiseau se défera par misère profonde. Qu'était-il que la voix qui ne veut pas mentir, Il sera par orgueil et native tendance A n'être que néant, le chant des morts. Il vieillira. Pays aux formes nues et dures Sera l'autre versant de cette voix. Ainsi noircit au vent des sables de l'usure La barque retirée où le flot ne va pas. Il se taira. La mort est moins grave. Il fera Dans l'inutilité d'être les quelques pas De l'ombre dont le fer a déchiré les ailes. Il saura bien mourir dans la grave lumière El ce sera parler au nom d'une lumière Plus heureuse, établie dans l'autre monde obscur III Le sable est au début comme il sera L'horrible fin sous la poussée de ce vent froid. Où est le bout, dis-tu, de tant d'étoiles, Pourquoi avançons-nous dans ce lieu froid ? Et pourquoi disons-nous d'aussi vaines paroles, Allant et comme si la nuit n'existait pas ? Mieux vaut marcher plus près de la ligne d'écume Et nous aventurer au seuil d'un autre froid. Nous venions de toujours. De hâtives lumières Portaient au loin pour nous la majesté du froid - Peu à peu grandissait la côte longtemps vue Et dite par des mots que nous ne savions pas. |
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Yves Bonnefoy (1923 - ?) |
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